The Place Beyond the Pines… justice à deux vitesses

Vous êtes-vous parfois demandé si l’éthique pouvait être mise en exergue dans un contexte d’injustice ? Bien sûr que oui. Ou plutôt : peut-il y avoir acte éthique dans l’illégalité la plus totale? Oui, encore. La réponse paraît simple sur le plan théorique. Mais en pratique, les concepts philosophiques s’inclinent parfois devant les réalités du quotidien. Ce qui est certain, c’est que The Place Beyond the Pines traite à merveille le thème d’un homme impulsif et violent, qui agit pourtant avec un certain sens de l’éthique. Une éthique égoïste, certes, mais qui lui confère une moralité (relative, il est vrai). Parallèlement à cela, un homme de justice constate que l’entorse à l’éthique professionnelle commise plus tôt dans sa vie entraînera des conséquences que le temps n’a fait qu’aggraver. Et l’on peut ici retourner la question initiale: peut-il y avoir acte immoral en toute légalité? C’est une évidence. Mais la question demeure intéressante lorsqu'on la met à l’épreuve des faits.

Etat de New York, 1997. Luke Glanton (Ryan Gosling), cascadeur d’exception à la solde d’un forain itinérant, mène une vie dure et solitaire. L’homme est impulsif, lorsqu’il n’est pas imperturbable. La vie a certainement malmené cette âme aux sentiments peu loquaces. Mais c’est après une représentation que Romina (ré)apparaît. L’ex-compagne a toutefois refait sa vie avec Kofi… Et c’est de manière surprenante que la vie de Luke va croiser celle d’Avery Cross (Bradley Cooper), jeune officier téméraire dont l’ambition de justice le mènera loin. Trop loin?

Cette apparence de résumé a pour dessein de vous mettre l’eau à la bouche. Et, s’il n’y arrive pas, il a au moins le mérite de ne rien spoiler. Et là, toujours pas l’eau à la bouche ? Vous devriez…
Car The Place Beyond the Pines a plus d’un tour dans son sac. Le film combine passages lents et contemplatifs teintés d’une musique lente, elle aussi… mais avec un scénario fulgurant à la simplicité plus vraie que nature. Mais tellement bien ficelé. C’est efficace, et nuancé grâce aux personnages. Justement, tout est là : dans la nuance. On oscille entre deux personnages au charisme différents et aux vies... diamétralement opposées. C'est peut-être cette idée qui jalonne le film: la vertu est une notion polysémique et on la trouve en de multiples endroits que ni l'apparence, ni la carrière ne peuvent changer. Pour illustrer le propos, rappelons que “la justice” - au sens public du terme - n'est qu'un service dispensé par l’Etat affublé du nom d'une vertu.

Je pense que la vraie force derrière The Place Beyond the Pines est de traiter de manière contemplative un scénario relativement simple mais éminemment surprenant et rythmé. On retrouve le plaisir des longues ambiances musicales d’un Drive, avec l’efficacité d’un bon gros thriller américain, certes, mais envoyé à point. Je suis donc de ceux qui pensent que ce film est loin d’être un Drive à moto. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les personnages, leur destin et l’ambiance d’Amérique profonde dans lesquelles ils sont projetés. Mais par dessus tout, c’est cette réflexion sur l’éthique et la justice qui donne à ce film une réelle plus-value cinématographique.

Tom