Même s’ils ne sont pas aussi populaires que les films de requins, les films de crocodiles sont eux aussi un sous-genre du cinéma horrifique qui aura engendré pas mal de bobines plus ou moins (surtout moins en fait) réussies. Citons par exemple Alligator (1980), Alligator II (1991), Crocodile (2000) et sa suite Crocodile 2 (2002), les 6 films de la saga Lake Placid, ou encore tout un tas de bousasses immondes made in Syfy/Asylum/Corman du genre Dinocroc vs Supergator (2010), Mega Shark vs Crococaurus (2010), Supercroc (2007) et autres Supergator (2007). Même les Italiens dans les années 70/80 se sont frottés au genre avec des titres tels que Le Grand Alligator (1979) ou Killer Crocodile (1989), c’est dire si le bestiau avait lui aussi la côte. Eh bien histoire de faire dans l’exotisme, je vais aujourd’hui vous parler d’un film de crocodile thaïlandais, The Pool (2018), qui a fait sensation au dernier BIFFF (Brussels International Fantastic Film Festival), remportant même au passage le Prix de la Critique. Un spectacle aussi improbable qu’intense.
On va suivre Day, jeune directeur artistique qui, après un tournage réussi dans une piscine abandonnée, va se relaxer pépère sur son matelas gonflable. Sauf que Day, c’est ce genre de mec sur qui le sort s’acharne. Imaginez le gars le plus malchanceux que vous connaissez, eh ben ce n’est rien à côté de Day. Que se passe-t-il lorsqu’il ouvre l’œil après son petit siestou ? L’eau a drastiquement baissé car les vannes de vidage avaient été ouvertes (sacrée longue sieste quand même). Vite une échelle ! Ah non, les concepteurs de ce bassin de 6m de profondeur n’ont, semble-t-il, pas jugé nécessaire de mettre des échelles. Sa petite amie Koi, sans doute inquiète, arrive sur les lieux ? Elle ne trouve rien de mieux que de se péter la gueule dans la piscine, en prenant soin de se cogner l’arrière du crâne sur le rebord. Bah oui, c’est trop simple sinon. Les journaux annoncent que, à cause des pluies diluviennes de ces derniers jours et de la montée des rivières, un crocodile se promène en ville ? Il ne trouve rien de mieux que de trouver refuge dans ladite piscine afin d’y pondre quelques beaux œufs. Des gens se pointent à la piscine car ils ont fait tomber leur drone dedans ? C’est pile au moment où il explose la canalisation dessous. Ah, je vous ai dit que Day était diabétique et qu’il n’avait pas de dose à s’injecter sur lui ? Avouez qu’en termes de malchance, il est farci le gars non ? On arrive même à en rire nerveusement !
The Pool est un thriller intense où il n’y a aucune limite aux moments incohérents, voire même stupides. Sauf que ce sont ces incohérences qui créent la tension palpable de l’histoire et qui, au final, servent le film.
The Pool est un assez bon exemple de la loi de Murphy, adage qui tient toujours l’issue la plus défavorable comme la plus probable. Le réalisateur va jouer avec cela 1h30 durant. Le film commence d’ailleurs très vite et va immédiatement gérer sa tension, son suspense, de bien belle manière. Ping Lumpraploeng va utiliser de bien belle manière son décor très minimaliste, façon huis-clos dans une piscine vide donc, et maintenir une pression qui ne faiblira que très rarement. Un ventre mou certes en milieu de film, mais ô combien compensé par un final tout bonnement excellent avec une façon très particulière de nous démontrer que le chien est bel et bien le meilleur ami de l’homme.
Peu de protagonistes au final, et du coup le réalisateur prend le temps de s’attarder sur l’évolution de son héros (moins sur sa petite amie malheureusement), bien développé, un peu comme l’avait fait Daniele Misischia dans The End? dont je vous ai parlé récemment. Le tout accompagné par un peu de romance pour soulever les problèmes de couple comme élément déclencheur du changement de mentalité du héros. Et puis au milieu de tout ça, un crocodile, seule vraie ombre au tableau. Autant sur les plans où il est immobile, il n’y a pas de problème puisqu’un vrai crocodile semble avoir été utilisé. Autant lorsqu’il fait des mouvements rapides ou qu’il attaque le personnage de Day, on se rend vite compte que les Thaïlandais ne sont pas très au point en termes de CGI puisque c’est à peine mieux qu’une production Syfy animalière. Et croyez-moi, pour avoir bien bourlingué dans le genre, ce n’est pas un compliment.
Avec son pitch improbable et son accumulation d’incohérences, The Pool arrive pourtant à être un très bon divertissement intense et prenant. Quand les défauts d’un film en font sa force…
Critique originale : ICI