La Stop motion revient à la mode dans le cinéma d’animation. Cette technique vieille comme le 7ème art apporte du volume, des créatures tangible, organique et palpable à la différence des CGI qui vieillissent instantanément. Le retour à l’artisanat répond à une forme de lassitude provoqué par un trop plein d’univers fade et standardisés. Le public toujours en quête de nouveauté veut quelque chose qu’il n’a jamais vu, et en cela la stop-motion est la meilleure alternative à leur offrir et son succès ne désemplit pas. Récemment nous avons eu droit à un combat de titan dans le genre entre Takahide Hori (Junk Head) et Phil Tippett (Mad God). Mais il se pourrait bien que ce soit un autre grand nom revenu de l’au-delà qui finissent par les enterrer tous les deux. David Allen, l’animateur vedette de la Full Moon Features décédé en 1999 des suites d’un cancer, ancien disciple du maître incontesté Ray Harryhausen. Il aura fallut pas moins de 50 ans pour que The Primevals daigne enfin se dévoiler grâce à l’intervention de son ami Chris Endicott et de son équipe d’artiste dévouée qui ont pu parachever les effets spéciaux grâce à une campagne de crownfunding et ce malgré la perte d’une partie des négatifs originaux. Le film aura coûté pas moins de 4 millions dollars, et peut se targuer d’être la production la plus ambitieuse du studio depuis sa création et accessoirement l’une de ses meilleures. On ne pouvait décemment rêver meilleur hommage surtout pour un homme qui a voué une grande partie de sa carrière à sauver les films de son producteur du ratage.
Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois en 1977 au temps d’Empire Pictures lorsque l’animateur avait été recruté pour effectuer les effets spéciaux du film Laserblast. C’est à cette époque qu’il lui remit le scénario de The Primevals entre les mains, mais Band avait une manière bien à lui de produire ses films à rythme métronomique, un peu à la manière de Roger Corman : vite fait, bien fait. Charles Band en bon menteur lui assura néanmoins qu’il lui financerait le budget un jour en l’échange de son savoir-faire mais David Allen ne lâcha jamais l’affaire, au point de souler son interlocuteur à chaque nouveau projet sur lequel il contribuait. La situation s’est finalement débloqué en 1993 lorsque la Full Moon s’est retrouvé distribué par la Paramount. Tous les feux étaient donc au vert et le film fût tourné dans la foulée en Roumanie durant l’été 94 ainsi que dans les Dolomites au Nord-Est de l’Italie, mais la conception des effets spéciaux nécessita beaucoup plus de temps que prévue. Malheureusement le réalisateur mourut avant de pouvoir achever la post-production. Pour ne rien arranger, le studio rencontra des difficultés financières en raison de la perte de son contrat de distribution et The Primevals fût donc rangé sur une étagère à prendre la poussière pendant 30 ans. Si le film été sorti à l’époque, nul doute qu’il aurait certainement laissé le public totalement indifférent mais en 2024, et alors que la stop-motion trouve un second souffle dans l’industrie du 7ème art, il est clair qu’il devrait arriver à marquer son empreinte et à initier un nouvel âge d’or pour le studio, c’est du moins ce qu’on lui souhaite.
C’est dans les hauteurs de l’Himalaya que le mythe autour du yéti est né et c’est de ce postulat que part l’histoire de The Primevals, lorsqu’une créature anthropomorphe va se mettre à terroriser toute une tribut de sherpas qui finiront par avoir sa peau. La dépouille sera alors envoyé aux Etats-Unis pour y être exposé comme la huitième merveille du monde. Mais son autopsie révélera des traces de chirurgie cérébrale qui laisse penser à des expérimentations. Une expédition sera alors mené par le docteure Claire Collier et son acolyte scientifique Matthew Connor afin de lever le voile de mystère autour de cette nouvelle espèce. Leurs découvertes seront pour le moins étonnantes, et le spectateur de découvrir une cité cyclopéenne, une civilisation reptilienne et une vallée verdoyante niché au plein coeur de ces montagnes de glace. On est clairement dans l’héritage du cinéma de Ray Harryhausen, mais aussi du King Kong de Merian Cooper et Ernest Schoedsack, marié aux influences littéraires des voyages fantastiques de Jules Verne et Le Monde Perdu de Arthur Conan Doyle. Il convient aussi de mentionner un élément important du scénario, celui de la présence d’un peuple d’envahisseurs belliqueux qui cherchent à pouvoir contrôler l’abominable homme des neiges contre son gré afin de divertir une plèbe ivre de sang et que l’on pourra légitimement assimiler au public qui attend toujours ce passage obligé de la confrontation orchestré par des créateurs démiurge. Sur ce point, les spectateurs en auront pour leur argent. The Primevals porte également la signature des meilleures productions Full Moon de son temps (l’orchestration de Richard Band notamment à son meilleur) mais aussi quelques tares comme ces nombreuses continuités dialogués qui ont malheureusement le tort de casser le rythme. Néanmoins, la direction artistique crève le plafond, et la juxtaposition des plans composites numérique en remplacement de ceux effectués en rétroprojection ne jurent jamais avec l’identité originale du long-métrage et ce grâce à un superbe travail de restauration. Evidemment le film accumule tout les poncifs éculés du genre et ne peut éviter quelques écueils larmoyants quand la créature simiesque perd la vie en sauvant celle des explorateurs. Mais il ne faudrait pas oublier l’ambition qu’en avait son réalisateur au départ, celle de proposer une aventure riche en rebondissement et en émotion qui parvienne à susciter l’émerveillement des petits et des grands enfants, et qui s’ils se laissent prendre au jeu de la nostalgie devraient assurément passer un très bon moment.
Le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors s’il te faut un guide pour parcourir l’univers étendu de la Full Moon Features, L’Écran Barge te fera découvrir le moins pire et le meilleur de l'oncle Charles Band, le Walt Disney de la série bis !