Jun'ya Satô signe une sorte de galop d'essai pour son film de 1973 True Story, qui traite exactement le même sujet avec encore plus de noirceur. Si j'ai bien compris, le scénario original est tiré d'un roman de Yoshihito Iwasa, qui relate l'histoire réelle de deux soldats démobilisés qui formeront à leur retour à Tokyo un redoutable gang sévissant dans le quartier de Ginza. Symptomatique de cette nouvelle génération de yakuzas qui ont tout perdu à la guerre et n'ont plus peur de rien, on assiste durant une heure et demie à leur ascension puis à leur chute inévitable.
Noboru Andô incarne le chef de ce gang, un rôle sur-mesure et quasi-autobiographique pour l'acteur qui a connu un parcours similaire : engagé dans les troupes d'élite durant la Guerre du Pacifique, il fondera un syndicat mafieux à Shibuya après la démobilisation. Son bras droit, Bunta Sugawara, tête brûlée comme jamais, lui vole un peu la vedette ici. On retrouve aussi Tetsurô Tanba et Fumio Watanabe pour leur donner la réplique.
Le film est empreint d'un certain fatalisme, les femmes ont pour seul horizon la prostitution auprès des troupes d'occupation américaine parce que "les hommes japonais n'ont pas été capables de défendre le pays". Les yakuzas qui tiennent la rue, malgré leur courage et leur sens de l'honneur, ne peuvent pas lutter contre l'oligarchie qui tire les ficelles dans leur milieu.