En deux mots : Le mathématicien génial Jimbo Farrar découvre via un jeu en réseau l'existence de cinq adolescents d'une intelligence supérieure, qui vont participer à un jeu télé afin d'entériner leur talent et d'apprendre à maîtriser leur don. Le tout plonge, avec l'agression d'une d'entre eux, dans une spirale de sadisme et de vengeance.
Produit d'une genèse anarchique et tourmentée, l'adaptation cinématographique de la Nuit des Enfants Rois (1981) fait miroiter d'audacieuses promesses : animation 3D purement française, teasers obscurs, violence noire sur fond d'adolescence... Or la brutalité ne suffit pas à la maturité ; et le propos outrancier ne fait ici qu'enfoncer les portes grandes ouvertes de regrettables images.
D'une part, le film projette des petits génies dans un show télé (thème suranné s'il en est) qui répondent d'une psychologie simpliste, dans une perspective "rainbow nation" relativement stéréotypée. Cinq teen-agers doivent consister comme par hasard en un roux obèse -spécialement difforme- des beaux quartiers, une blonde mielleuse en rébellion contre le destin de Miss Amérique que lui projette sa mère, un Latino colérique battu par son père, etc. pour au final donner des airs d'étude sociologique cheap au fameux casting. Tous sont habités par une cruauté infaillible, qui s'applique sans mesure à leurs "ennemis" ; une mécanique intéressante -celle de la violence nourrie dans le groupe- qui perd ici toute crédibilité faute de nuances et de complexité.
Au cas où vous ne seriez pas au courant, l'intelligence ne tient qu'au calcul de la racine 13ème de 4312. Puisque la mère d'une des prépubères échoue à résoudre cette équation dans l'une des scènes du film, plus de doute possible : il faut reléguer cette incapable au rang des demeurés. Une belle leçon de vie.
D'autre part, des graphismes dignes des premières versions de Second Life dessinent sur les visages des angles durs, et sèment au second plan des pixels disgracieux, qui assèchent toute expression, toute émotion visuelle. Lors de scènes majeures -double meurtre des parents de Jimbo, viol "collectif"-, l'ensemble mute en un monde numérique, en bleu et blanc, et assume le parti pris d'une cinématique gore des 90s. Les "méchants" (le père violent, l'agresseur sexuel) se métamorphosent ainsi en primates hurlants, en colosses grotesques, qui semblent tirés d'un shoot'em up de seconde zone. Là encore, une bien maigre place est laissée à la suggestion : le viol de la fillette de 14 ans est proposé avec bruitage explicite, cris bestiaux et en version longue. Regards d'incompréhension dans la salle. A l'idée qu'un projet aux lignes de force si singulières sur le papier tombe dans un tel conformisme grossier, The Prodigies ajoute un sentiment durable d'aberration teintée de malaise devant sa pléthore d'incohérences narratives (autour de la télépathie, de coups portés sans blessures apparentes, du comportement de Jimbo etc) et visuelles. Stupéfiant.