Puissant comme l'orage, Berandal tonne
The Raid c'est un peu le film surprise qui a permis à beaucoup de gens de situer l'Indonésie sur une mappemonde . Le concept est simple, l'exécution était brutale, le succès a été monstre. C'est donc sans trop de surprise qu'on retrouve le réalisateur Gareth Evans et l'acteur Iko Uwais pour cette suite attendue par tous les amateurs de tatanes qui se respectent. Une attente légitime qui s'accompagne d'une méfiance qui l'est sans doute tout autant. Mais plutôt que de se contenter de reprendre la formule initiale, The Raid 2 joue la bonne carte, celle de la vraie-fausse suite.
Là où le premier film tirait toute sa force de son aspect condensé, compressé même, Berandal (sous-titre de The Raid 2 qui sonne drôlement bien et qui veut dire "Délinquant", comme me l'a souligné un lecteur avisé) prend le parti opposé et s'étale sur 2h30 avec un rythme à l'avenant. Un changement presque aussi radical qu'un coup de genou dans la tronche qui pourra réellement déconcerté ceux qui s'étaient préparés pour un The Raid : Bis Repetita. On oublie le huis-clos, les unités de lieu de et de temps, l'immeuble... Si The Raid 2 commence quasiment à la minute même où se termine le premier film c'est pour mieux en balayer les acquis. S'en suit une mise en place de 20 minutes au montage Scorsesien, qui nous propose donc tout autre chose. Le film aurait très bien pu ne pas s'appeler The Raid 2, mais ça aurait été sans doute moins facile de le vendre (encore que ça n'a pas empêcher la distribution française de traîner les pieds te de proposer le film en salle 10 ans après tout le monde, et surtout après les BDrip de qualité). Cette fois-ci notre héros va se retrouver infiltré dans le cartel de Jakarta pour le détruire de l'intérieur et mettre à jour la corruption des plus hautes instances policières. On plonge donc dans un récit mafieux qui s'étale sur plusieurs années avec moult complots et intrigues tordues.
Cette énième variation de la famille criminelle n'apporte, en réalité, pas grand chose au genre. Les rebondissements restent dans des figures attendues, pour ne pas dire imposées et certaines sous-intrigues sont parfois complètement hors sujet, comme celle qui concerne le personnage nommé Koso, qui n'est en fait qu'une grosse excuse pour faire revenir l'acteur Yayan Ruhian, qui jouait l'impressionnant Mad Dog du premier volet. Une pirouette tout de même moins foireuse que le retour de Chow Yun-Fat dans le Syndicat du Crime 2... mais là, je m'égare. Le film se prend donc parfois les pieds dans le tapis avec son histoire qu'on connait déjà. Le squelette est celui d'un film de mafia classique mais ce squelette s'articule autour d'une galerie de personnages plutôt réussis et charismatiques et sur un rythme bien géré. Plus atmosphérique le film arrive tout de même à rester assez concentré sur ses enjeux. Si le crescendo mis en place est plus lent il n'en est pas moins implacable. De la galerie de trognes proposée on retiendra surtout un trio de tueurs complètement allumés que l'on croirait sortis d'un Manga ou d'un jeu vidéo, les fans de Team Fortress 2 comprendront de quoi je parle. Il y du japonais dans Berandal, mais aussi du HK des années 80, du coréen des années 2000 et même du british des années 70. Gareth Evans fait de nombreux emprunts à tout un pan du vrai film burné et les intègre de façon harmonieuse à ce Cinéma indonésien qui a une faim de loup. Le changement de décor est aussi l'occasion pour le chef op de proposer autre chose que la bouillie grise-bleue acier du précédent volet avec des plans aux compositions plus travaillées et un jeu sur les couleurs saturées rappelant parfois Refn ou Argento.
En résulte un film complètement fou. Il y a bien sûr cette quantité incroyable de jambes brisées, de bras pétés, de ligaments sectionnés, de crânes explosés mais il y a surtout l'inventivité constante d'une mise en scène débridée et généreuse. Ca virevolte, ça court, ça saute mais ça reste fluide et lisible. L'espace de quelques instants on croirait retrouver le Tsui Hark des grandes années. Furieux, turbulent, sanglant, viscéral, le vertige Berandal atteint des sommets lors de quatre scènes monstrueuses. Il y a cette baston générale de prisonnier en mouvement constant. Puis cette poursuite en voiture alternant castagne en espace minuscule et cadreurs suicidaires passant de bagnoles en bagnoles. Après on a le passage à l'action de notre trio de tueurs mutiques. Enfin il y a ce final complètement barbare qui te laisse sur les rotules.
On pourra toujours pinailler en se disant qu'avec 2/3 armes à feu en plus il n'y aurait pas eu de film, qu'il y a certaines ambitions mal maîtrisés, que le faux air de Bruce Campbell arboré par Arifin Putra peut déstabiliser.... mais au final Berandal réussit tout de même à te coller au fond du siège alors qu'il ne bénéficie plus de l'effet de surprise. The Raid était un gros coup de latte dans la tronche qui avait ridiculisé tout (ou presque) le Cinéma d'action occidental de ces 10 dernières années, on avait compris qui était le patron. Berandal est simplement une piqûre de rappel faite avec une seringue qu'on t'enfonce généreusement entre les deux yeux à grand coup de coude.