Un film que je trouve extrêmement difficile à évaluer.


The Revenant est une réussite formelle absolue : mise en scène, acting, choix des paysages... Même le sound design est absolument étourdissant. Le souci, c'est à mon sens le reste. Beaucoup de choses ont été dites sur l'invraisemblance du film. J'imagine que c'est un choix volontaire de la part d'Inarritu, mais c'est quelque chose qui me gêne aussi. On entre dans le domaine toujours nébuleux des intentions du réalisateur, mais j'ai la conviction, purement personnelle, qu'Inarritu se fichait de la vraisemblance parce qu'il concevait son film comme une sorte de parabole. Une terre où la vraisemblance n'a pas sa place et où seule l'idée pure triomphe. Pour le dire de manière moins pédante : seul le postulat de départ est important, aux dépens de la vraisemblance de sa réalisation. Est-ce que pour autant, on peut tout de même critiquer ce choix ? Pour moi, oui.


Le problème, c'est que voir Di Caprio survivre à toutes les catastrophes de la terre de manière miraculeuse rend parfois le film involontairement comique et nous sort des enjeux dramatiques. Mais ce n'est pas le seul problème que j'ai avec ce film : je le trouve un peu artificiel. Beaucoup trop de fusils de Tchekhov que je trouve amenés de manière assez boiteuse. Les personnages sont assez peu développés, mais comme ils ne sont que des "idées personnifiées", c'est bien entendu compréhensible. Mais pour moi, il y a quelque chose qui n'a pas marché. En fait, je pense que j'aurais préféré qu'il n'y ait pas vraiment de trame ou d'intrigue, quitte à embrasser l'idée d'un film purement formel.


C'est sublime. Mais c'est froid, et on ne ressent pas grand chose. J'ai du mal à voir l'intérêt des passages religieux ou mystiques, aussi beaux soient-ils. Peut-être que je n'ai simplement pas compris le film, c'est possible. C'est un bon film, évidemment. Mais j'ai quand même une impression de gâchis à la fin du visionnage. Et c'est dommage, tant ce film est visuellement brillant et regorge de bonnes idées : le retour à l'état sauvage en situation d'anomie, la regression à l'état foetal (la scène du cheval)...Le film s'interroge sur la sauvegarde de sa propre humanité en situation anomique : anomie liée aux conditions naturelles, dans un monde hors de la technique, anomie dans le psychisme de l'individu, qui n'a plus de raison de vivre à part la vengeance. Mais j'ai l'impression qu'Inarritu ébauche trop et a du mal à vraiment aller au bout de tous ces questionnements, et on en sort guère plus avancés.


Bref, un bon film qui me laisse un goût d'inachevé.

Bassorah
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le 18 nov. 2021

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