Marche funèbre
Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...
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Il est parfois de grandes énigmes qui se révèlent être de parfaits trompe-l’œil.
De face, l'absence d'Oscar pour Leonardo jusqu'à ce film pouvait sembler incompréhensible. Mais en se déplaçant de quelques centimètres, et en épousant le point de vue des producteurs de films, la chose se révélait plus que naturelle: presque nécessaire. En effet, comment demander à un des acteurs les plus talentueux de sa génération de se plier à leurs désirs les plus fous, lui faire faire tout et n'importe quoi (comme se faire sodomiser par un ours, plonger dans une rivière d’eau glacée, découper et se coucher dans un tauntau…pardon, un cheval encore chaud, etc etc…) s'ils n'ont pas sous le coude un type dont le moteur interne a pour combustible principal une frustration tenace ? Et comme ici, incarner une méta-fureur de revanche ?
Le film cumule avant la projection au moins trois alertes, puisqu'il s’agit ni plus ni moins du remake d'un petit bijou méconnu réalisé par un type au dernier succès controversé, agrémenté d'une ou deux polémiques ridicules. Pas mal pour une mise en bouche.
En tout cas, passer deux heures et demie coincé dans un enfer glacé cadré par un réalisateur maniériste avait de quoi faire trappeur.
Et au moment du verdict, rien de tout ceci, comme un bon blizzard, n'est totalement balayé. Il ne s'agit pas d'une œuvre hors-sol prodigieusement captée, comme on aura pu le lire ici ou là, ou du rejeton céleste d'un démiurge tutoyant les infinités cosmiques, mais bien d'un enfant, attachant mais troublé, dont le patrimoine génétique connu annule toute possibilité de mystère. L'album de la famille Iñárritu est depuis longtemps feuilleté, les ressemblances sont implacables, l'hérédité admise.
Car encore une fois, le réalisateur mexicain accouche d'un drôle de paradoxe fait film.
Il était en effet stupéfiant de me rendre progressivement compte que, malgré une accumulation de choses auxquelles je suis presque toujours excrément sensible (paysage sublimes, immersion implacable, scénario minimaliste), je me sois senti à ce point détaché du spectacle qui m'était proposé. Pendant le même temps, l'accumulation des blessures (physiques et morales) endurées par le héros ne parvenait pas à rendre son destin plus susceptible de partage.
L'empathie en panne. L'apathie en prise.
Sans doute le style marqué d'Iñárritu y est pour beaucoup. Épousant la forme extrême du parcours de son héros, il démultiplie si consciencieusement les moments de bravoure qu'il nous est rapidement impossible d'oublier l'exercice d'hostile. Et ce qui fonctionnait si bien dans Birdman (dont le concept complet tourne autour de l'idée de performance) provoque ici un décalage invalidant entre l'idée du récit et sa forme. Une sophistication de chaque seconde qui contredit en permanence la simplicité du cadre.
Dans ce concours complet et total, l'attente de l'exploit (d'Iñárritu ou Glass, son héros) est permanente, et nous en fait oublier la base du propos: le froid, la faim, la mort, la survie.
Car Glass répare, car Glass remplace, et l'envie s'efface de payer un pot sur le revenu.
Il est à souhaiter que deux oscars consécutifs pour le mexicain apaise son style et en calme un peu l'ambition. Gageons qu'un peu de maturation et d'apaisement ne pourront que faire du bien aux prochaines œuvres du bonhomme.
Allesandro, c'est bon, calme-toi, tes talents de compteurs sont maintenant reconnus. Même Spielberg le confesse. Allez Sandro… tout le monde le sait, Gonzalez, il narre itou !
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Créée
le 29 févr. 2016
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