Un très bon exercice de style se perdant dans ses longueurs

The Revenant aura sans l’ombre d’un doute marqué l’année 2016. D’une part par son tournage plus qu’houleux, durant lequel le réalisateur Alejandro González Iñárritu a fait preuve d’une minutie presque maladive à vouloir tourner en décors naturels et à certaines époques de l’année (pour avoir un paysage enneigé, par exemple) au point de créer quelques tensions avec l’équipe du film et les producteurs. De l’autre parce que ce long-métrage, grand favori aux Oscars, s’est présenté comme celui ayant enfin permis à Leonardo DiCaprio d’obtenir la fameuse statuette qu’il méritait tant depuis bon nombre de projets. Vous l’aurez compris : The Revenant, à l’instar des 8 Salopards de Quentin Tarantino, était l’un de ces films qui devaient démarrer l’année 2016 en grandes pompes, sa sortie étant accompagnée d’un engouement de grande ampleur ! Mérité pour autant ? Pas si sûr...


Beaucoup critiquent le scénario de The Revenant, le jugeant trop simpliste pour véritablement intéresser. En même temps, il faut bien avouer que sur le papier, le film n’a pas grand-chose à raconter si ce n’est une banale histoire de vengeance : un père laissé pour mort tentant de survivre dans une nature hostile et de retrouver l’assassin de son fils. C’est sûr qu’avec ça en poche, The Revenant n’avait pas vraiment d’intérêt ! Mais le plus important pour un script n’est pas ce qu’il raconte, mais plus la manière dont il raconte. Et sur ce point, le film d’Iñárritu est une véritable claque ! Partant d’un simple récit de survie, le réalisateur mexicain nous livre un exercice de style à l’ambition technique quasi démesurée. Il en aura fait voir de toutes les couleurs à ses collaborateurs, cela va de soi ! Mais en échange de ce « sacrifice », nous avons droit à un long-métrage proposant une mise en scène diablement soignée. Immersive au possible, collant au plus près des personnages. Contemplative à souhait, donnant de l’importance aux décors naturels qui se révèlent être aussi impressionnants qu’inquiétants. Travaillée avec un savoir-faire sans égal, proposant des plans-séquences d’une minutie hors normes (comme en témoigne l’utilisation des effets spéciaux comme une flèche se figeant dans l’œil d’un homme sans que la caméra ne cesse de tourner ou que le montage vienne changer de plan). Cela peut paraître tape-à-l’œil, mais nous ne pouvons qu’admirer le travail effectué par Iñárritu, qui est parvenu à sortir une intrigue de sa banalité rien que par la force de l’image (un peu comme George Miller et son Mad Max : Fury Road dans un autre genre).


D’autant plus que du côté du casting, The Revenant bénéficie de comédiens investis à fond dans le projet. À tel point que beaucoup d’entre eux ont dû faire face aux exigences du réalisateur et aux conditions de tournage pour donner de leur personne comme rarement. Un constat qui s’adresse tout aussi bien aux acteurs principaux (dont Tom Hardy et Domhnall Gleeson) que secondaires (le jeune Will Poulter). Et DiCaprio dans tout cela ? Eh bien… c’est assez décevant. Non pas qu’il soit mauvais, au contraire ! Même avec un bon cachet à la clé, peu d’interprètes auraient joué de manière aussi engagée (au point de dormir nu dans le cadavre d’un animal pour se tenir au chaud). Il faut voir la scène du meurtre de son fils, dont il est témoin, pour se rendre compte de son immense talent (sa réaction est juste déchirante). Non, ce qui déçoit dans son interprétation est que celle-ci se trouve être au niveau de ses camarades de jeu. Il n’excède pas autant que dans des rôles précédents où là, il aurait vraiment mérité l’Oscar (Gilbert Grape, Blood Diamond, Les Infiltrés, Django Unchained, Le Loup de Wall Street…). Après avoir vu The Revenant, c’est plutôt l’impression que sa récompense lui a été décernée « parce qu’il le fallait » qui se ressent le plus. Non pas que cela nuit au film ! Juste que ce fait devait être dit dans cette critique.


Non, le véritable problème du film, qui vous laissera sur vote faim après le visionnage, c’est son grand nombre de longueurs. Vous verrez alors que la plus grande qualité de The Revenant, à savoir sa mise en scène, devient au fil des minutes sa faiblesse. Car à trop s’attarder sur des séquences histoire de montrer ses talent de réalisateur, Iñárritu rend son long-métrage presque interminable. Il vous arrivera de regarder votre montre à plusieurs reprises, étant donné qu’à trop traîner la patte lors de certains passages en plans-séquences pour le coup inutiles, l’effet impressionnant de la mise en scène commence à lasser. Et pour le coup, la banalité du récit, qui s’était gentiment éclipsée derrière les atouts de The Revenant, reprend au bout du compte le dessus. Ce qui fait perdre à l’ensemble son intérêt alors que le générique de fin approche ainsi que son côté impressionnant. Pour finalement sortir de la salle avec en tête un « tout ça pour ça » et le sentiment de vous être ennuyés pendant la dernière partie du long-métrage. En clair, il aurait fallu que The Revenant troque ses 2h36 contre un petit 1h40 (aller, 2h00 pour être plus sympathique !). Iñárritu n’aurait sans doute pas eu l’occasion de se « déchaîner » en matière de mise en scène, mais il serait au moins parvenu à captiver pleinement notre attention plutôt que de la perdre en cours de route.


Attention, je ne dis pas que The Revenant est un film de petit calibre. Au contraire, il s’agit-là d’une œuvre qu’il faut avoir vue au moins une fois dans sa vie, ayant suffisamment de qualités à revendre pour impressionner et justifier son visionnage. Il est cependant dommage de voir à quel point le réalisateur s’est emporté sur ses ambitions techniques au point de ne pas voir qu’il aurait pu se modérer afin de rendre son film moins banal et barbant sur la fin. Personnellement, je reste sur Birdman qui, malgré des genres cinématographiques qui diffèrent totalement, m’a bien plus ébloui que The Revenant.

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