Marche funèbre
Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...
le 25 févr. 2016
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The Revenant.
Le dernier film en date du grand et doublement Oscarisé Alejandro Gonzales Iñarritu (seul John Ford et Joseph L. Mankievicz ont eu cet honneur). Et cet Oscar du Meilleur Réalisateur...Putain tu l'as pas volé mec !
AH Maudit Alejandro ! T'es trop fort ! J'ai rarement vu un film aussi maîtrisé dans son rythme, son interprétation, sa technique. C'est juste incroyable. C'est un de ces films qui dépassent complètement le stade de film. Un film qui se transcende lui-même (sérieusement, je suis le seul à crier au complot pour l'Oscar du Meilleur Film ?).
The Revenant raconte l'histoire de Hugh Glass (inspiré de faits réels), qui a survécu à l'attaque d'un ours, laissé pour mort, il va se retrouver dans une quête infernale pour retrouver le trappeur qui a tué son fils. Le tout dans une aventure à couper le souffle dans son réalisme et sa sauvagerie.
Et bon sang, quand je vous dis que le film est transcendant, je plaisante pas. Les acteurs, et je dis bien TOUS les acteurs sont incroyables. Ils sont vraiment dans les personnages du film, des hommes perdus dans la sauvagerie de leur environnement et qui tentent tant bien que mal de garder leur humanité dans un monde qui ne le permet pas. Sauf Hugh Glass qui fait littéralement corps avec cette nature déshumanisée pour sa vengeance.
Leonardo DiCaprio tient LE rôle de sa vie. Jamais il n'avait atteint cette symbiose avec un de ses personnages. On sent sa peine, sa rage, sa combativité, son état critique, sa tombée en enfer. Il devient littéralement Hugh Glass. Il est l'un des éléments qui fait que ce film ne ressemble pas à un film (et enfin tu l'as eu ton Oscar).
Tom Hardy incarne John Fitzgerald. Trappeur haineux des "sauvages", égoïste, menteur et provocateur. Il n'est motivé que par sa survie. Mais est néanmoins respectueux de Dieu et vit dans la croyance que Dieu n'aide que ceux qui ont la force d'aller jusqu'au bout pour rester en vie, à savoir celui qui est prêt à tuer pour le faire. Il semble énormément cruel, mais quand bien même il l'est, il l'est uniquement pour sa survie, toute ses actions quelles qu'elles soient sont motivés par sa survie dans ce monde hostile. Son dialogue avec Bridger le montre de façon subtile.
Et quand vient la fin, il embrasse définitivement sa sauvagerie et n'hésite pas à tuer un gradé puis le scalper pour faire accuser les Indiens. Un antagoniste dont le suivi est un véritable régal.
Tous les autres personnages sont au sommet de leur rôle. Ils sont eux aussi plongés dans un monde féroce ou il semble impossible de rester intègre. Fitzgerald qui laisse son côté impitoyable et cruel comme son environnement ressortir pour la survie. Le Capitaine Henry (Domhnall Gleeson) qui tente tant bien que mal de maintenir un ordre dans un environnement qui ne le permet pas. Bridger (Will Poulter) qui est jeune et qui n'a pas d'autre choix que de suivre le meneur.
Mais le grand intérêt du film, celui qui a nécessité moins d'un an de tournage au lieu d'un mois, son visuel ! LA CLAQUE ! Jamais je n'ai vu un film aussi généreux en images fortes et en teneur d'une qualité visuelle époustouflante. Ces paysages d'Amérique du Nord naturels sont si bien filmés qu'ils en deviennent un personnage à part entière et le principal antagoniste du film. Ces mouvements de caméra semble donner vie à ce monde constamment rendu plus fort que les humains à chaque moment (quand les humains ne se tuent pas eux-même). La grâce au directeur de la photographie Emmanuel Lubezki habitué au travail contemplatif de Terrence Malick, et son style s'accorde à merveille au style de réalisation tout en plans-séquences (ou longs plans) de Iñarritu et donne un véritable festin pour les globes oculaires, de quoi être rassasié jusqu'à la fin. Attendre plus d'an pour avoir ce film valait la peine pour ce qu'il offre.
(par-contre, le point faible c'est les animaux en effets numériques, tout le problème lorsque la lumière naturelle n'est pas contrôlable, les animaux ça passe pas. L'ours, ça va, car on fait surtout attention à DiCaprio qui donne l'air de vivre un calvaire, mais les bisons...mouais bof, ça ne porte qu'une fraction préjudiciable minime au film heureusement vu tout ce qu'il offre à côté, et puis on se concentre avant-tout sur l'expression de Glass).
Il s'agit d'un film dont l'immersion est poussé à l'extrême. Constamment on se trouve devant des plans incroyablement beaux, et on sent clairement tout ce que Glass subit. L'attaque avec l'ours, la violence de son parcours, la cruauté du monde qui l'entoure, les défis qu'il surmonte.
Déjà, il doit conduire des hommes diminués dans un lieu sûr en affrontant le scepticisme de certains, notamment Fitzgerald.
Ensuite il subit l'attaque d'un ours le tout dans une violence extrême, le côté incroyable de l'histoire de Glass est bien retranscrit à travers la mise-en-scène tant on se dit que dans le film comme dans l'histoire "Putain ! Il a survécu à ça !".
Ensuite il souffre le martyr impuissant en regardant son fils se faire tuer (en partie à cause de lui si il n'avait pas cligné des yeux. La psychologie des personnages est très poussée à ce niveau là avec des éléments comme ça placés sur la longueur du récit).
Il est ensuite habité d'une rage vengeresse qui le pousse à continuer malgré toute les souffrances qu'il endure dans une nature impitoyable et à une nature humaine égoïste et froide.
Le parcours initiatique de Glass est ponctué de symboliques comme le cinéma le pur et dur offre avec des images. Sa souffrance, sa haine etc. Au travers de plusieurs éléments clés,
la scène des bisons notamment où Glass semble se reconnaître en ce bison abandonné et laissé aux loups.
Mais ce qui frappera beaucoup plus, c'est les moments de rêves.
Le parcours de Glass est également remplie de moments...oniriques où il voit sa femme, son fils, son passé...
Il a atteint une sorte de symbiose avec des esprits. Comme si il pouvait les voir après être passé aussi proche de la mort, comme si la nature destructrice où l'homme est poussé à ses extrêmes limites poussait Glass à se dépasser et s'affranchir de sa condition humaine. Et tout ça au point qu'il arrive à s'affranchir du film lui-même ! Ce dernier plan où il regarde littéralement la caméra, le spectateur. Il dépasse sa condition de personnage pour nous regarder.
D'où le titre de ma critique "Au-delà des limites du corps et de l'esprit..." Mais surtout Au-delà du film lui-même. Voilà ce que je veux dire quand je disais que le film est transcendantal, il se transcende lui-même. Un film qui offre tellement d'immersion, et avec un personnage qui dépasse sa condition de personnage de film. Le film dépasse sa condition de film. Nous avons du coup affaire à une catégorie de "Sur-film" ?
(après je rappelle que toutes ces symboliques que le film offre sont sujets à interprétation, mais c'est mon impression).
Et je n'ai pas parlé de la musique absolument grandiose, en raccord avec l'environnement, et qui met bien en valeur ce qui se passe, avec un silence pesant par moments.
En fin de comptes, ce film est l'ultime Iñarritu. Même dans Birdman qui était une claque en soi, c'était surtout un film sur l'art. Là il s'agit d'un film sur l'humain et sur la condition humaine. The Revenant est une véritable quête initiatique pour le héros comme pour le spectateur.
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Créée
le 7 mars 2016
Critique lue 565 fois
12 j'aime
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