Moins d’un an après Birdman (2015), Alejandro González Inárritu revient avec une odyssée mentale, une expérience sensorielle, une œuvre viscérale et brutale qui prend les tripes du spectateur sans jamais les lâcher. Une œuvre ou la beauté est transcendantale ou chaque scène, chaque plan est d’une beauté picturale unique. THE REVENANT, un film retraçant l’histoire d’un trappeur du 19ème siècle, sauvagement agressé par un ours et lâchement abandonné par les siens.


Jamais je n'avais été aussi immergé que dans The Revenant, à l'image de la scène de l'ours, on est en pleine jubilation devant ce florilège de séquence spectaculaires. Vous connaissez déjà l’histoire mais vous n’avez pas encore vécu l’expérience et les sensations qu’elle procure .Dans ce survival hallucinatoire, Innaritu nous embarque pendant 2h30 éprouvantes dans des lieux inconnus ou seuls les « natifs » sont maîtres et en équilibre avec la nature. On suit les mésaventures d’un certain DiCaprio, dans les méandres de la nature à la fois sublime et néfaste. La caméra de Innaritu va mythifier les décors magnifiques, pour ensuite les désacraliser en les rendant hostiles, avec cette froideur, cette austérité instaurée par l’atmosphère, grâce à l’alliance de l’image et de la musique.


Dans The Revenant on assiste à des séquences jamais vues au cinéma, la scène d’ouverture est à l’image du film, à la fois magnifique et d’une brutalité sans précédent.Filmé au plus près des acteurs en plan séquence, on est au cœur de l’action, ponctué par les tambours de la BO.
On vit le film, on ressent le film. Le spectateur est cloué à son siège, ébahi devant cette scène remplit de plans séquences jubilatoires. La caméra d’abord virevoltante va magnifier la scène, en procurant un côté contemplatif, pour échoir sur des plans en contre plongée sur des arbres embellis par le grand angle, tel un film de Terrence Malick.


Innaritu est allé au bout de lui-même et au bout de son art, réalisant son œuvre la plus singulière en insufflant une dimension spirituelle, explorant des thématiques comme l’idée du souvenir, du rêve et de la transcendance. Tout en immergeant le spectateur grâce à la puissance des images. Car cette puissance des images résulte du travail effectué sur la photographie du film signée Emmanuel Lubezki, qui n’a jamais été aussi importante dans le processus d’un film. "Le tournage le plus éprouvant de ma vie" disait le chef opérateur. 9 mois de prise de vue, pour tourner uniquement en lumière naturelle, entre 1h et 2h de tournage par jour, d’abord au Canada fin 2014 puis en Argentine vers Juin 2015. Une obstination pour capter le meilleur moment de la journée, l’instant précis pour filmer un petit moment qui restera gravé à jamais. C'est "ce moment magique où dieu apparaît" disait Inarritu. Car cette persévérance qu’avait le chef opérateur et son réalisateur ; à coûter beaucoup d’argent à la production passant le budget de 60 millions à 135 millions $. Un tournage aussi éprouvant qu’un « Apocalypse Now » (1979) de Francis Ford Coppola par exemple ou la production a elle aussi été cauchemardesque mais comme pour Apocalypse Now, les acteurs et les techniciens étaient déterminés. Une détermination nécessaire pour une photographie ou chaque plan est comme une peinture faisant penser aux toiles de Caravage. Tout ceci grâce à Lubezki, le plus grand chef opérateur de tous les temps, un talent remarquable d’une précision unique.


Une histoire au service de la technique certes, mais conduite par un DiCaprio habité par ce rôle du trappeur porté par la vengeance. Il nous dévoile une palette émotionnelle incroyable, arrivant encore à nous surprendre après 25 ans de carrière. Sa performance n’est pas dans les dialogues, puisque le film est à la limite du « non-dit ». Mais dans les expressions de son visage, avec ses yeux très expressifs, on perçoit toute sa colère, sa rage, sa tristesse. En un seul regard on conçoit tout ce qu’il peut ressentir. Que ça soit physiquement ou psychologiquement, ça a été le tournage le plus éprouvant depuis Titanic selon l’acteur. Son implication dans le projet est sans égal, arrivant à faire ressortir les idées de douleur de vengeance et de rédemption, il s’est donné à fond et ça se voit. En comparaison, Tom Hardy a encore une nouvelle fois prouvé tout son talent en égalant DiCaprio, son accent incompréhensible est un assortiment des voix de Bronson, de Bane et de son personnage dans le film Des Hommes Sans Lois, pour nous délivrer à ce jour l’une de ses meilleures performances, tant il est lui aussi habité par le rôle.


Défi technique doublé de prestations d’anthologies, The Revenant est un film qui comblera jusqu’au plus exigeant des cinéphiles. Mais qui en décevra plus d’un, étant donné, que la longueur peut déranger certains, ainsi que le propos du film et ses scènes contemplatifs. Que ça soit visuellement ou dans le jeu d'acteur, le film atteint des sommets. Car pour moi « The Revenant » c’est plus qu’un simple film, c’est une des plus grandes expériences jamais vécu au cinéma, c'est du pur cinéma, c'est un ressenti, une sensation, un ovni cinématographique, une œuvre intemporelle.
Un chef œuvre.

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le 23 janv. 2016

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Lucas Renaudot

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