Tout cassé, tout foutu ? Non, car Glass repart !

Spectaculaire et réalisme vont rarement de pair. L'invraisemblance, ça fonctionne pour les films de super héros ou les James Bond car nous savons que si Tom Cruise passe dix minutes sous l'eau en apnée pour désamorcer une bombe thermonucléaire, ça n'a rien de si incroyable car après tout, c'est son job de héros. En revanche, un brave trappeur du 18eme siècle, même incarné par Di Caprio, ne nous fera jamais croire qu'on peut : survivre à l'attaque d'un grizzli, puis polyfracturé et à l'agonie, survivre encore par moins trente, échapper à des Indiens en nageant dans un torrent glacé sur plusieurs centaines de mètres, tomber d'un ravin de 20 m de haut sans une égratignure, camper dans un cheval...et arriver à son campement...avant de repartir aussi sec.
Bon, faut pas charrier non plus.
Autre problème, Inarritu tient absolument à ce que nous compatissions au sort de son personnage. Pour ce faire, il multiplie les avanies qui accablent celui-ci et y ajoute des flash back mystico oniriques sur fond de musique planante. Flash back sur sa femme, son fils...réminiscences d'un bonheur perdu. Inarritu reprend une manière de procéder que l'on a souvent vu chez Terrence Malick. Sauf que Malick a très bien compris que l'émotion du spectateur surgit d'abord d'une empathie et donc d'une compréhension des personnages. Cette compréhension passe d'abord par un partage. Dans Le Nouveau Monde, de Malick, on découvre dans un premier temps la vie du capitaine Smith parmi les Indiens qui l'ont recueilli et ensuite l’idylle qu'il connait avec Pocahontas. Lorsque les malheurs surviennent ce sont ces souvenirs communs, partagés qui nous permettent de compatir à sa souffrance.
Cette l'émotion construite sur des scènes nous permettant de comprendre le passé d'un personnage est valable pour nombre de films et notamment des films de survie. Mais ici, ce n'est pas le cas. Nous ne connaissons rien de Hugh Glass, ni de son fils, ni de son passé...si ce n'est quelques bribes d'images. Dès lors, lorsqu'il perd son fils de façon dramatique - on voit que Glass est bouleversé mais pour ce qui est du spectateur l'émotion n'est pas du tout au rendez-vous. Du moins pas la mienne.
Autre défaut du film, cette manie très hollywoodienne consistant à opposer le héros à un méchant plus méchant que méchant. Tom Hardy semble dévolu à ce rôle qu'il a déjà endossé plusieurs fois. Non seulement il est lâche mais en plus il est vénal, pervers, voleur et sadique (scalp). Du coup, on est forcément en attente du châtiment qu'il a bien mérité et qui, comme de bien entendu, sera infligé -sauf la mort il est vrai- par notre increvable héros.


Autre problème : toute une série d'incohérences "matérielles". Quiconque a déjà essayé de faire un feu en forêt saura toute la difficulté que ça représente. Je recommande la lecture du très beau texte de London intitulé Construire un feu, adapté en BD par Chaboutté.
Autre exemple : Glass est attaqué au réveil par une troupe d'Indiens (dont la poursuite très Prisonnière du désert "inversée" parait bien artificielle). Bien que fracturé et affaibli, le voilà qui détale comme un lapin, saute sur son cheval (si facilement récupéré cela dit en passant) et à bride abattue échappe à ses assaillants (en en tuant deux alors qu'il sera incapable un peu plus tard d'abattre Fitzgerald à deux mètres sur un cheval immobile).
Bref...
On reconnaitra au film un tournage certainement dantesque et une forte implication de Di Caprio.
Mais tout cela ne répond pas à ce que j'attends d'un grand film et ne vaut à mon avis pas plus que la moyenne.


5/10

Theloma

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