Le voilà le nouveau le tout beau Iñarritu cru 2016, la machine à Oscars pour les gens devant et derrière la caméra. Mouais.


En priorité, étouffons la question ridicule dans l'oeuf : je pense que DiCaprio ne mérite pas l'Oscar pour ce film. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : il est excellent - autant que peut l'être l'un des plus grands acteurs de sa génération - mais, pour, le coup, c'est effectivement un rôle à Oscars : performance physique, jeu tout en silence et en intériorité, saupoudré de contraintes de jeu (ramper, maîtriser une langue étrangère, ne pas se laver les cheveux), la liste est complète. Oui, sauf que DiCaprio est capable de bien mieux, et il nous l'a déjà prouvé des dizaines de fois avant, sans compter que Tom Hardy l'emporte largement dans l'intensité ici, véritable crevard détestable et pourtant si profondément humain, avec ses forces et ses défauts, dont celui de filer la chair de poule quand il apparaît à l'écran.


Reste donc la réalisation, avec tout ce qu'elle peut engober de technique et d'art de la mise en scène. Côté technique, rien à redire, c'est bon et c'est beau. Très beau. Trop beau. Les paysages sont tout simplement à tomber, et si ce n'est pas difficile d'enfermer le spectateur dans un enfer blanc ou de nature sauvage, ça l'est un peu plus de le magnifier avec la très belle (bien que glaciale) photographie d'Emmanuel Lubezski. Et là, bim, premier bémol : The Revenant s'apparente moins à un film du réalisateur d'Amores Perros que celui de Tree of life, pour ne pas citer son nom, notamment dans cette fascination gentille mais pesante sur la Nature, sa beauté, sa force et sa dangerosité. Or, Iñarritù ne maîtrise pas les codes de son collègue américain : point de réflexion métaphysique ici, pas même de quête de soi. Non, The Revenant ne tient ni ses promesses de vigilante movie, ni celui de survival movie. Il est coincé quelque part à mi-chemin, le cul entre deux chaises, la faute à un scénario trop faible au vu du potentiel du personnage et de son histoire. Le film est bon, c'est indéniable, mais il aurait pu être tellement meilleur et, surtout, cela se sent si fortement que je n'ai pu qu'être relativement déçu.


Du coup, on sent les 2h30 passer inexorablement, et ce n'est pas quelques scènes foutrement impressionnantes (l'introduction, l'attaque de l'ours) qui font oublier le reste, au final très convenu.


Un rendez-vous manqué, un film tour à tour intense et laborieux, académique et viscéral. Un peu comme un soufflé qui n'aurait pas pris : plein de promesses, décevant mais néanmoins sympa à manger par défaut.

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le 1 févr. 2016

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