Beau et sauvage, comme l'était l'Amérique en 1820

Cette beauté sauvage de l'Amérique d'alors nous saute aux yeux et au coeur durant les deux heures et demie du film. On est transporté deux siècles en arrière dans ce qui est maintenant le Dakota du Nord (dans le "upmidwest" étatsunien, sous la frontière canadienne), au coeur d'une nature sauvage, grandiose et magnifique. Le film nous montre le "struggle for life", tel que pratiqué en ce temps-là et dans ces régions-là. Humains contre animaux (les plus impressionnants et sauvages d'entre eux : ours, élans ou wapitis, bisons, loups, sangliers) ; hommes blancs contre peaux-rouges ; trappeurs contre trappeurs ; homme "bon" et généreux contre homme "mauvais" et cupide ; homme grièvement blessé et abandonné des siens contre trois cents kilomètres d'une nature à la sauvagerie aggravée par les rigueurs de l'hiver.
Et cette saisissante reconstitution de la "lutte pour la vie" telle qu'elle pouvait être en ce temps et ce lieu-là implique : des massacres (d'hommes et d'animaux), beaucoup de sang, de brutalités et diverses ignominies. Dans un décor grandiose, de toute beauté et d'un autre âge. Tout ça, superbement filmé (magnifique photographie d'Emmanuel Lubezki, utilisation de plans-séquences de plusieurs minutes qui maintiennent le spectateur au coeur de l'action, ou au contraire de plans fixes très larges qui le foudroient de la grandeur et splendeur du monde ). Et joué par deux acteurs étincelants et une troupe de comédiens sûrement castés et dirigés.
On sait que The Revenant est basé sur des faits véridiques transcrits dans un roman qui avait fait l'objet d'une première et plutôt bonne adaptation au cinéma (Man in the Wilderness de Richard C. Sarafian - 1971, avec Richard Harris et John Huston) ; le scénario a été remanié, étoffé, pour que la volonté de survie du trappeur incarné par DiCaprio ait pour ressort la vengeance et que le "méchant" de l'histoire (Tom Hardy) soit davantage typé comme tel. C'est que, avant d'être, dans le meilleur des cas, une oeuvre d'art, un film est quelque chose d'artisanal, même s'il fait appel aux techniques les plus avancées et, en même temps, le produit d'une industrie qui doit absolument rentabiliser ses investissements sous peine de faire faillite (comme, par exemple, l'United Artists ayant produit La Porte du paradis de Michael Cimino). Alors oui, The Revenant a été conçu pour attirer si possible des millions de spectateurs ; c'est une oeuvre grand public. Et alors ?
Certains trouveront qu'il est trop long, trop sanglant, qu'il sonne creux (?), que sa morale est caricaturale, que la bande-son fait la part trop belle aux bruits de la nature (?), qu'il est mal joué (?). Que ses douze nominations aux Oscars prouvent surabondamment son caractère putassier (?). Comme toute création, il s'expose à la critique : aucune oeuvre n'est parfaite. Mais je ne suis pas dans la peau des autres et pour ma part, j'ai vraiment pris du plaisir au film. J'irai même sûrement le revoir. Et si, dimanche soir, il ramasse une brassée d'Oscars, je m'en réjouirai pour l'équipe de professionnels qui l'a fabriqué... car on peut dire ce qu'on veut, c'est du BEAU travail.
P.S. Une chose m'a néanmoins déplu dans cette production hollywoodienne : que l'espèce de pancarte accrochée au Pawnee pendu ("nous sommes tous des sauvages") soit rédigée en français, histoire de bien faire comprendre que, agissant dans la région, il y avait une autre bande de trappeurs (celle croisée par Glass / DiCaprio aux 2/3 du film) pendant les Indiens et violant les Indiennes, et que ces trappeurs n'étaient évidemment pas des anglophones mais des "bloody Frenchies" (p... de Français).

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le 25 févr. 2016

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Fleming

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