Marche funèbre
Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...
le 25 févr. 2016
173 j'aime
41
Ce beau morceau de 6/10 que je m'apprête à disséquer. On pourrait mettre moins, certainement pas plus. Plus un documentaire animalier mal agencé qu'un film à vraiment parler, il aura au moins le mérite de briser les codes de la plupart des films partant avec ce budget (135 millions de dollaws ma gawd). Projet initié en 2001, le script de départ (un roman de Michael Punke, fondé sur l'histoire réelle du trappeur Hugh Glass) attendra une ribanbelle de directeurs avant qu'Alejandro González Iñárritu ne signe au nez et à la barbe de Jean-François Richet.
Comme quoi, Di Caprio et Hardy auraient pu être remplacés par ceux castés précédemment : ChristianBale et Sean Penn. Et ouais ! Bref, commençons par le si drôle pitch de départ : Un mec doit survivre dans un milieu ultra nocif, le rôle est planté par une putain de tête d'affiche vieillissante, avec un budjet de ouf à la technique et zéro scénario. Vous dites ? Gravity ? Mouais.
Tentons de créer une échelle des moyens de rester en vie, tout en restant raisonnable :
1) Le coup de chance. Vous traversez rapidement la voie au feu rouge, mais vous évitez de peu la Ford K qui roulait pleine balle. Vous restez un peu con, mourir écrasé par une Ford K c'est moche.
2) La veine folle : Wow, vous n'avez pas confondu le fil rouge et le fil bleu, il restait une seconde et la bombe n'a pas explosé. Vous sauvez (insérer une ville américaine), et empochez par la même occasion la bonasse apparue au tiers du film.
3) Le miracle. Vous apprenez qu'un de vos organes vitaux dysfonctionne. Il vous reste une semaine à vivre. 6 jours plus tard, un donateur anonyme prend pitié de vous et vous lègue un rein. Il était moins une.
4) Le Deus Ex Machina. C'est pas le deuxième volet du métrage d'Alex Garland, mais c'est aussi flippant. Exemple : Michel Drucker. Toujours debout et tu as compté deux fois, il lui reste plus de dents que toi.
5) The Revenant. Et encore, Iñárritu a enlevé des plans, notamment quand Matthew McConaughey balançait sur Di Caprio des bouquins depuis une bibliothèque dans un trou noir, ou encore quand Morgan Freeman demandait à Jim "Bruce" Carrey de l'achever. Même Tom Hardy a essayé.
Le film n'est pas crédible une seule seconde. Hugh Glass, trappeur de son état rejoint donc une expédition de mercenaires, chargée de ramener des peaux de bêtes. Non content d'échapper à une tribue d'indiens qui techniquement a déjà encerclé le camp, il monte sur un bateau criblé de flèches tout en sauvant son fils. BADASS. Au passage, son gosse de 10 ans possède une vois plus grave que lui.
Ça passerait encore, s'il n'y a pas eu CA. L'homme se fait littéralement EN-CU-LER par un ours. Par là, j'entends la jugulaire tranchée, le dos déchiqueté. De la belle ouvrage pour Maman Ours (nous soulignons au passage la CGI à couper le souffle pour l'animal), qui s'assure de laisser pour compte le bonhomme. Rajoutons compendieusement le froid de canard*, s'assurant en temps normal de lui aspirer le eu de vie lui restant (le sang, ça coagule hein).
Le mec est seul en son royaume, mort mais pas trop en fait, sans rien à manger. Mais il survit en se brûlant de la poudre à canon sur ses ouvertures béantes, en consommant tous les deux jours des feuilles séchées. Puis il pétera la forme grâce au chaman rencontré de manière on ne peut plus fortuite, avant de se faire tirer sur la jambe et massacrer la main gauche avec un poignard. Il réussit in fine à s'emparer de la vie de son pire cauchemar. Tout ça pour se venger de la mort de son fils qui n'aurait pas du mourir l'ours aurait du buter Glass bien avant. Sauf si ledit Glass est un bon trappeur et ne va pas chasser le monstre en soum-soum, sans prendre de précaution.
Mais dans ce film, le personnage réussit la prodigieuse performance d'être dans un même temps si malin, et désespérément con. Pour ramper à -10°C en se vidant de son sang, à tout hasard. Le film devient alors un prétexte, un immense plot convenience aux situations ubuesques. Je pense simplement que la mythologie (vaguement évoquée avec la voix de sa femme défunte et les incantations chamaniques du pawnee qui le sauve) du film est ratée. Si vous n'avez compris, c'est normal. Il faudra être adepte d'Iñárritu pour tout saisir, et ma critique n'est en rien exhaustive. Je vous laisse avec cette critique révélant tout l’analogie du film avec l'escargot : http://www.senscritique.com/film/The_Revenant/critique/62084771 . Je vous ai bien dit qu'il fallait être adepte du réalisateur.
On bascule là entre le scénario et les choix scénaristiques / techniques. Les plans retranscrivent à perfection le côté bestial, animal du film. On ne parle plus de vengeance, ou d'un aspect vaguement anthropique, mais clairement d'instinct de survie. On retrouve des plans ultra serrés sur les personnages avant leur dernier râle, les champs/contrechamps rappelant la confrontation, le danger de l'autre. Glass se retrouve avec des peaux de bête dans un univers ultra hostile, transcrivant ainsi toute la dystopie quasi pré-historienne de l'Homme. Dans ce monde, l'Homme n'est pas à sa place. Les plans serrés continuent, même sur des paysages très ouverts (criques, vallées, baies...). Me against the world en quelque sorte , dans un no man's land.
A côté de cela nous avons tout un penchant sur la renaissance de Glass (le fameux parallèle taré avec l'escargot). Taré car il ne tient que de l'engagement d'Iñárritu. Ce n'est ni un choix artistique ni une volonté politique de lutter en faveur des gastéropodes, mais bien un foutu ego trip. Et pour le coup, on y reste totalement insensible au visionnage. Bim, c'est loupé.
C'est dommage car le tout donne un rendu très décousu et lent, du fait de l'analogie avec l'escargot. Ainsi le texte (la vengeance), le sous-texte (la mythologie, l'homme contre la nature) et le but réel (la vie passionnante des escargots tome 1), il manque du liant.
Pour revenir à la caméra, les plans sont d'une justesse et d'une biutifulité salvatrices, la photographie (Emmanuel Lubezki <3) est impeccable. Di Caprio mérite son Oscar, rassure-vous. C'était pas évident au début mais en saisissant l'oeuvre dans sa globalité, sa performance vous explose à la gueule. Tom Hardy égal à lui même, mais son rôle est traître.
Quand à la composition musicale, je suis dans l'incapacité totale de m'en rappeler. Gros oups pour Ryuichi Sakamoto, habitué aux éloges de ses pairs. Je m'oblige à réécouter la bande son, remerciant les dieux de Youtube. C'est joli, mais vraiment pas envahissant. Assez progressif et donc linéaire Encore un truc d'escargot en somme.
Créée
le 13 avr. 2016
Critique lue 349 fois
1 j'aime
4 commentaires
D'autres avis sur The Revenant
Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...
le 25 févr. 2016
173 j'aime
41
Passé l’exercice de style, accompli avec un brio rafraîchissant et sans précédent, de Birdman, Inarritu revient avec une œuvre, toute aussi maîtrisée, mais plus complète. Dès l’une des premières...
Par
le 28 déc. 2015
114 j'aime
18
Il est parfois de grandes énigmes qui se révèlent être de parfaits trompe-l’œil. De face, l'absence d'Oscar pour Leonardo jusqu'à ce film pouvait sembler incompréhensible. Mais en se déplaçant de...
Par
le 29 févr. 2016
102 j'aime
23
Du même critique
Ce beau morceau de 6/10 que je m'apprête à disséquer. On pourrait mettre moins, certainement pas plus. Plus un documentaire animalier mal agencé qu'un film à vraiment parler, il aura au moins le...
le 13 avr. 2016
1 j'aime
4