Nous afons les moyens de vous faire parler :/
Alors qu'ils s'offraient un road trip au Pakistan, leur terre d'origine, à l'occasion du mariage de l'un d'eux, quatre amis se sentent pousser des ailes altruistes. Ils décident d'aller juger de l'horreur de cette guerre qui fait des ravages à deux pas de leur localisation actuelle, en Afghanistan. Idée peu inspirée : il suffira de quelques malheureux concours de circonstance, du chaos infligé au pays par les bombes pour les conduire à Guantanamo, entre les mains de bourreaux à la Carrie Mathison, décidés à les entendre évoquer leur affiliation à Al-Qaida de quelque façon que ce soit.
Caméra à l'épaule, mêlant images de fictions et reportages d'archives, Mat Whitecross et Michael Winterbottom retranscrivent avec poigne les horreurs d'une guerre sans merci où la pression psychologique s'allie à la violence d'attaques aériennes chirurgicales pour briser le terrorisme. Aucune pitié, aucune concession, la peur de cet ennemi invisible, capable de frapper où on l'attend le moins, inspire vicieuses méthodes et tortures en tout genre qui font froid dans le dos. Le périple des 4 jeunes britanniques, pris dans cet engrenage qui ferait avouer le plus innocent des humains, choque autant qu'il révolte. Leurs conditions de détention, prisonniers endigués dans des cages de 2m² avec un seau pour boire, un autre pour déféquer et l'interdiction de communiquer entre eux alors qu'ils sont à 1m les uns des autres, paraissent dignes d'une époque révolue. De même que les interrogatoires musclés, destinés à les faire craquer, où se mêlent destruction psychologique, mensonges et tortures psychiques barbares, semblent être l'apanage d'un film d'espionnage particulièrement malsain.
Pour autant, il convient de nuancer un peu la portée du film-docu des deux réalisateurs. Il est toujours délicat de savoir à quel point l'on peut se fier à ce genre de témoignages. Bien qu'il ne soit pas totalement manichéen, il y a forcément parti pris contre l'Amérique et sa politique militaire vis à vis du terrorisme, un mal extrêmement difficile à anticiper qui ne prévient pas lorsqu'il frappe et qui inspire aux plus hautes institutions politiques américaines une peur profonde. Ce n'est certes pas une explication suffisante pour justifier l'horreur d'un endroit comme Guantanamo, tant il semble hors du temps, sous la contrainte d'aucune convention, celle de Genève y étant passée à la moulinette, mais il est difficile de condamner de façon aveugle ces horreurs, provoquées par une guerre impalpable, implacable et inimaginable lorsque l'on est bien loin du conflit, assis confortablement chez soi.
Forcément, le destin de ces 4 jeunes, dont l'un perdit sa vie entre deux bombardements, touche en plein coeur et inspire une compassion immédiate à leur égard. D'une idée plutôt stupide mais pour autant crédible, sans aucune haine ni envie de violence, le petit groupe verra l'innocence de leur âge voler en éclat avec les multiples assauts psychologiques destinés à leur ôter leur dignité. Mat Whitecross et Michael Winterbottom livrent avec Road to Guantanamo un support de réflexion très prenant, à la fois à propos d'une guerre sans merci à laquelle il est difficile de trouver des solutions, mais aussi à propos de ces coups du sort qui vous placent au mauvais endroit, au mauvais moment, pour vous aspirer dans une spirale d'évènements que même les esprits aptes à imaginer le pire n'auraient pu écrire. Grisant.