The Scars of Ali Boulala
7.4
The Scars of Ali Boulala

Documentaire de Max Eriksson (2021)

Sortie de brefs moments d'ébahissement devant des prouesses et des acrobaties spectaculaires, je ne peux pas dire que je sois fan de skate, ou de n'importe quel autre sport. Ce ne seront donc pas les figures impressionnantes de ce virtuose qui m'auront retenue devant ce documentaire étonnant. Ce sont plutôt d'autres considérations, plus éducatives et philosophiques, quasiment, qui me restent après cette descente aux enfers annoncée. Comme dans Val, que je viens de voir, on a la chance d'avoir accès à des kilomètres de films tournés quasiment en continu tout au long de la vie de ce jeune écervelé, depuis son adolescence. On mesure mal ce qui sépare généralement l'ado de l'adulte, tant les premiers ont à cœur de proclamer à qui veut l'entendre qu'ils sont une version plus perfectionnée de ce que les vieux ont dû se résoudre à devenir. Ça m'énerve généralement, mais je manque d'arguments pour démontrer vraiment ce que je voudrais dire. En deux heures, ce film fait le fait de manière indiscutable : non, un jeune n'est pas à égalité avec un plus vieux. Parce que le jeune Ali Boulala est une énigme insoluble même pour son alter ego trentenaire ou quadragénaire. Il aura fallu qu'un drame se produise pour que cette personne-là, et nous, donc, par ricochet, puissions évaluer véritablement le fossé entre la diva du skate grisée par son succès, intouchable, ignorante des réalités, et le rescapé brisé par les conséquences de son inconséquence passée. Dans une moindre mesure, nous sommes tous des rescapés de nos choix prématurés. Mais pour la plupart, nous avons eu la chance (contestée, pourtant) de profiter du cadre contraignant de parents ou de professeurs inflexibles et bienveillants qui ont borné nos sorties de route. A notre grande indignation, parfois, mais le résultat est là, tangible dans ce documentaire : l'ado en roue libre est souvent un danger pour lui-même et pour les autres. Si personne ne l'empêche de se défoncer en permanence, il peut être tenté de le faire. Si rien ne lui impose des efforts pour se cultiver, il peut consacrer son énergie à une seule activité, parfaitement inutile bien que pleine de panache, et passer à côté de réflexions d'une certaine profondeur que la compagnie des auteurs favorise. Bref, il se forme parfois des meutes humaines adolescentes, délivrées de la supervision des adultes, qui mettent en évidence les inclinations naturelles et mortifères de cet âge où l'on se sent assez fort pour tester toutes les limites. Il n'est pas inutile de se pencher deux heures sur cette pente savonneuse et de retrouver en images ce qui faisait l'intérêt de Sa majesté des mouches, dans un tout autre contexte. Ni de réfléchir à nouveau sur l'impact de la consommation de stupéfiants sur une petite tête en formation. Exposé par un homme en uniforme dans une salle de classe, ça n'a pas le même impact qu'incarné par un ado idolâtré par ses pairs et détruit par un destin funeste. Les adultes que nous sommes apprécieront certainement la plongée décapante au cœur d'une culpabilité nécessaire et toxique à la fois. Bref, peut-on vraiment jouir d'une totale liberté avant d'avoir les idées bien en place ou doit-on immanquablement se gâcher la jeunesse pour vivre en être humain responsable ? Vous avez 4 heures. Ou quarante ans, si vous suivez un rythme plus communément répandu...

Créée

le 23 févr. 2023

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