8 pour le film, 10 pour le reste
Je vais critiquer ce film en tant que tchétchène, en tant que personne qui connaît le sujet, qui a vu les répercussions de la guerre, qui a vu de ses propres yeux la misère post-guerres. Et je critiquerais ce film en le mettant en relations avec les autres critiques que j'ai pu lire.
Tout d'abord, je remercie Hazanavicius pour avoir traité de ce sujet. Difficile, délicat. Il faut se dire que la tchétchénie, il ne connaît pas. La Russie peut-être un peu, mais ça ne va pas plus loin. Que tourner un film de guerre pour quelqu'un qui ne s'inscrit pas forcément dans ce genre-là, c'est pas facile. Que tourner en Géorgie, avec des natifs, des gens qui ne arlent pas anglais et encore moins français, et qui ne sont certainement jamais allés au cinéma, c'est difficile.
The Search est l'un des rares films traitant du conflit (conflit qui fut longtemps ignoré par la communauté internationale), et certainement le meilleur.
C'est un film dur à voir, normal, on parle d'une guerre. On ne va pas édulcorer les atrocités commises par l'armée russe sur les tchétchènes, et pourtant je peux assurer que ce qu'on nous montre là n'est RIEN face à ce qui s'est passé.
Ce n'est pas un sujet "faussement original" (parce qu'alors, aucune film de guerre ne l'est).
La principale qualité du film réside en la narration en trois points de vus qui permet d'éviter le plus possible le manichéisme. Les tchétchènes sont vus comme des victimes, certes (on ne va pas s'en plaindre, quand 10% d'une population est décimée, que les forces sont de 100 000 russes pour 22 000 tchétchènes, on va difficilement montrer les tchétchènes comme des bêtes sanguinaires). Mais les organisations internationales ne sont pas montrés comme des sauveurs et les russes ne sont pas diabolisés. Difficile de ne pas voir Kolia comme une victime, un garçon qui se retrouve embarqué dans un conflit qui le dépasse, qui ne le concernaient pas, et qui finit par développer une violence et s'en nourrir, comme atteint par ce qui l'entoure.
Et je ne peux pas oublier Hadji, ce petit garçon qui on pourrait dire "porte" le film. Il est là, et nous touche. Il catalyse toute la détresse d'un peuple, je ne peux pas oublier ce moment où il danse à la traditionnelle.
Des critiques se plaignaient de l'utilisation d'un "garçon trop chou" par Hazanavicius pour provoquer de l'empathie. Il n'est pas dur pour un enfant d'être "chou" quand il est montré au travers d'une guerre, et de toute manière, je ne vois rien de mignon et adorable dans un petit être qui porte tant de douleurs et les marques de la guerre.
Il est beau. Le choix des couleurs, l'esthétisme général, l'ambiance, tout était travaillé. Il y a des moyens, ça se voit et on ne va pas s'en plaindre. Hazanavicius c'est filmer la guerre, nous la montrer, nous la faire ressentir.
D'un point de vu scénaristique, je reprocherais une grosse incohérence : Berenice Bejo qui se balade librement dans les rues, qui se sent comme une native, qui n'est inquiétée par personne et acceptée par les populations. Je doute réellement que cela puisse se passer comme ça, elle aurait été escortée et contrôlée par les russes, et sa vie aurait été bien moins facile. Enfin, ce n'est qu'un "détail".
Je n'ai pas apprécié ce film comme un "film", la partie fictionnelle est assez prévisible, simple et reposant sur des ficelles connues MAIS j'ai aimé ce film comme une dénonciation, comme un témoignage, un documentaire. Il est crédible, cohérent, fait mal. Je ne pourrais que le conseiller à toute personne s'intéressant au conflit.
Ma critique n'est pas objective, elle est nourrie de mes sentiments, de mes connaissances, de mes souvenirs, de l'ahurissement provoqué par la lecture de certaines critiques de "pros". J'espère qu'elle aura convaincu certain de voir ce film, qui mérite entièrement toute l'attention qu'on peut lui accorder.