Amateur de cinéma bis et patron d'un vidéoclub à Brisbane en Australie, Andrew Leavold fasciné par le cinéma philippin va tout d'abord travailler comme producteur pour le documentaire Machete Maidens Unleashed en 2010 . Mais pour l’apprenti cinéaste fan de cinéma, la plus fascinante figure du cinéma bis philippin reste Weng-Weng le comédien de 83 cm vu dans quelques parodies de James Bond dont For Your Height Only et 007 ½ : Rien n'est impossible. Ne trouvant rien de significatif sur l'acteur sur internet si ce n'est quelques obscures légendes urbaines, il décide armé d'une caméra DV et d'une petite équipe de se rendre directement sur place afin d'enquêter sur la plus petite des grandes stars du cinéma bis.


The Search for Weng Weng est le fruit de sept ans de travail pour Andrew Leavold et le résultat est suffisamment riche en informations et touchant pour pardonner à la fois la forme pas toujours engageante et pertinente du documentaire et quelques digressions bien moins passionnantes. Le film se suit de manière plutôt fluide et amusante comme une enquête durant laquelle Andrew Leavold va faire différentes rencontres qui le conduiront à d'autres personnes qui de révélations en confidences finiront par lui permettre de retracer le parcours de l'acteur et réussir non pas l'esquisse mais le portrait de Weng Weng. The Search for Weng Weng se compose donc d'interviews à la qualité visuelle assez aléatoire (On passe d'une image SD en 4/3 à de la HD 16/9) et de nombreux extraits de films dans lesquels sont apparus Weng Weng le tout agrémenté avec quelques habillages graphiques pas biens folichons. The Search of Weng Weng va aussi surtout montrer ses limites à mesure que Andrew Leavold semble comprendre qu'il ne fera pas de grandes découvertes sur Weng Weng et que pour étoffer son film il commence à digresser sur le cinéma philippin en général et s'en va rencontrer Imelda Marcos et se faire invité à son anniversaire. Même si le réalisateur tente d'englober toutes ses péripéties dans une approche globale de l'industrie cinématographique des Philippines, on sent que parfois il se laisse emporter par ses rencontres quitte à s'éloigner un peu de son sujet de départ. La mécanique qui consiste un peu trop souvent à illustrer les propos d'une des personnes interviewés par un extrait de film est elle aussi un peu lassante sur la durée. On parle de transaction financière, on montre un extrait de film durant lequel Weng Weng reçoit une valise de billet; On parle de cascades, on montre Weng Weng sur sa mini moto; on évoque la vie sentimentale de l'acteur, on colle un extrait avec Weng Weng qui emballe sa partenaire … C'est bon on a compris.


Mais l'essentiel est peut être ailleurs car Andrew Leavold réalise malgré tout un très chouette documentaire qui à travers de très nombreux entretiens (réalisateurs, cascadeurs, producteurs, acteurs, proches …) va commencer par redonner à Weng Weng une existence en dehors de l'écran, une vie et une histoire personnelle et familiale en commençant par lui redonner son vrai nom celui de Ernesto De La Cruz. Enfant timide et atteint de nanisme primordial Ernesto va grandir (enfin façon de parler) avec dans la tête les rêves d'être comme les héros de fictions qu'il admire. Issus d'une famille pauvre il sera confié assez jeune à un couple de producteurs Peter et Cora Caballes de Liliw Productions qui lui donneront son pseudonyme de Weng Weng et lui offriront ses premiers rôles au cinéma. A la fois mentors et opportunistes le rôle du couple restera assez trouble avec une frontière assez tenu entre la création d'un caractère iconique du cinéma bis par Cora Caballes et l'exploitation pur et simple de l'acteur par le couple qui oubliera souvent de lui reverser toute les rémunérations qu'il méritait. Alors qu'en France on ne connaît que deux ou trois films avec Weng Weng on découvre que sa filmographie en compterait une bonne dizaine dont un western intitulé D'Wild Wild Weng (1982) avec des ninjas, des philippins à moustaches et sombreros et des indiens pygmées, ce qui en ferait un cocktail des plus attrayants. Faute de doublures à sa taille (à moins d'engager un enfant) Weng Weng faisait toutes ses cascades lui même et vu ce que les réalisateurs lui donnaient à jouer ce n'est pas un mince exploit. On découvre surtout que derrière le flegme charmeur d'un Weng Weng tombant toutes les filles et amusant la galerie se cachait Ernesto un type profondément seul (quand bien même il ne cessait de se vanter de ses nombreuses conquête), presque toujours armé et sans doute pas si innocent que ça sur la façon dont le cinéma l'exploitait. Figure emblématique et embarrassante du cinéma philippin (certains historiens du cinéma restent très mal à l'aise avec l'exploitation de l'acteur et de son handicap) Weng Weng reste le bonsaï qui cache la forêt à l'image de ce grand festival organisé par les époux Marcos pour promouvoir la grandeur du cinéma local et qui verra surtout des distributeurs acheter les droits des films avec Weng Weng pour en faire les films philippins les plus vus à l'international. Imaginez que le rayonnement du cinéma français à l'international soit symbolisé par Sim et vous comprendrez pourquoi de nombreux Philippins restent un peu amer sur le succès du bonhomme alors que d'autres commencent à se gargariser de la force symbolique d'un pays dans lequel même le plus petit et le plus mal barré des habitants peut devenir une star. Weng Weng disparaîtra d'un coup et mystérieusement des écrans au début des années 80 lorsque Peter et Cora Caballes cesseront de produire des films et donc de l'exploiter, Ernesto quittera lentement la vie dans la pauvreté jusqu'à mourir seul dans sa chambre et dans l'indifférence en 1992. Et si ce documentaire n'est pas parfait il a au moins le mérite de remettre un petit peu d'Ernesto dans Weng Weng.


Il ne fait guère de doutes que Ernesto a souvent été exploité en tant que Weng Weng mais il serait absurde de boycotter ses films pour autant. Rien ne promettait à Ernesto De La Cruz de vivre les milles aventures, exploits et conquêtes qu'il va connaître en devenant Weng Weng pour le grand écran. Peut être que Ernesto est condamné à l'oubli alors célébrons plus fort encore et toujours Weng Weng. Car même si c'est entre deux fous rires nerveux sur ses exploits de mini-héros de nanars et de séries Z, c'est le meilleur moyen de le garder vivant pour l'éternité. Et si sous son improbable coupe de cheveux, son sourire de ravi de la crèche et ses yeux charmeur vous parvenez à entrevoir ce gosse pauvre et solitaire qui s'amuse à être plus grand qu'une légende, c'est bel et bien Ernesto tout autant que Weng Weng qui deviendra immortel.


Petit cadeau avec le rap de Weng Weng

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le 12 sept. 2024

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Freddy K

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