Il y a vraiment quelque chose d'ironique dans cet enchaînement improbable de deux films de Hitchcock des débuts, puisqu'après le très pénible car trop muet "À l'Américaine" (Champagne, 1928), englué dans ses séquences interminables sans aucun intertitre et son absence de matière, c'est au tour de "The Skin Game" (1931) de se faire tout autant pénible pour des raisons opposées sur le plan de la narration, avec toutes les tares du début du parlant — à savoir du cinéma qui se résume à du théâtre filmé stricto sensu, c'est-à-dire des acteurs qui parlent, qui parlent, et qui ne s'arrêtent jamais, avec toujours aussi peu de fond. C'est donc le jour et la nuit en matière de dramaturgie, et pourtant les deux films se rejoignent dans le rejet qu'ils ont suscité en moi.
Je ne connais pas suffisamment bien la carrière de Hitchcock pour savoir si encore en 1931 il enchaînait les œuvres de commande, mais on assiste à un défilé d'images insipides, sans tenue, comme si l'ensemble avait été monté par un robot de manière très rapide. Aucun charme là-dedans, et beaucoup moins que d'autres films de la même période même si ce ne sont pas du tout mes favoris ("Blackmail" en 1929 et "Murder!" en 1930 par exemple). Juste des torrents de dialogues en plans fixes, comme si on était assis au théâtre, avec des luttes de pouvoir assez assommantes entre deux riches familles, d'un côté la famille aristo tradi et de l'autre la famille de bourgeois (industriels) parvenus, qui se foutent sur la gueule pour des questions de propriété. Les premiers veulent garder leur tranquillité sur leur immense domaine, les seconds veulent implanter une grosse usine, et les batailles se livreront à divers niveaux : déjà aux enchères, séquence archi longue et poussive qui essaie de travailler un suspense inexistant vu d'aujourd'hui sur le thème "mais qui aura le dernier mot !?", puis sur le terrain moral, lorsque les aristocrates utiliseront un moyen de pression dégueulasse — ayant appris que la belle-fille de l'industriel ennemi a un passé du côté de la prostitution, ils l'utiliseront comme moyen de pression et de chantage. Engueulades, batailles de gros sous, suicide, et voilà : il y a ceux qui finissent humiliés et qui s'en vont, et il y a ceux qui ont certes remporté la bataille mais qui goûtent toute l'amertume de leur victoire indigne.
Un film rigide, austère, aussi raté que le suggère son plan final, un arbre coupé inséré au forceps en 1,5 secondes. Bergman fera mille fois mieux dans "La Source".