They tried to make me go to the future but I said, 'Now, now, now.'
Pour résumer on pourrait dire que Sutter est un adolescent porté sur la bouteille et abandonné très jeune par son père qui se découvre un cœur un gros comme ça. Bref me direz-vous. Et c'est sans doute ce qu'aurait été le film s'il tenait pas du petit miracle. Car c'est tout ce que cela implique de désordres et de fardeaux émotionnels qui est traité. Mais plus que le fond c'est sur la forme que le film éblouit. Ponsoldt filme son héros pudiquement avec une sincérité touchante sans jamais verser dans la complaisance. Au contraire sa mise en scène s'efface totalement au profit de Sutter qu'on suit de manière séquentielle dans son quotidien. Des morceaux de vie qui, mis bout à bout, raconte ses déboires affectifs et son manque manifeste de maturité. Dans le lycée de sa petite bourgade américaine il est le déconneur insouciant, le dragueur invétéré. C'est la flatteuse mais pourtant piètre image qu'il renvoie à ses congénères. Car au dire de Marcus, le solide et sérieux athlète et étudiant du lycée, il trainerait effectivement une réputation de "bouffon". Le revers de la médaille on dira. La confiance qu'il a auprès des filles lui permet de donner le change avec le peu d'estime qu'il a pour lui (il offre sa démission se croyant incapable de tenir l'engagement de venir travailler sobre). C'est un peu une sorte de Chandler Bing, les filles en plus.
Alors qu'on aurait pu se diriger vers une énième romance du genre "je sors avec toi pour me consoler et rendre mon ex jalouse mais en fait je suis tombé amoureux de toi", le film emprunte très rapidement une autre voie, celle du "il ne t'est pas venu à l'esprit que cette fille pouvait me plaire". Mais la voie est empruntée, tortueuse. Aussi insouciant et aventureux qu'il soit en apparence, il est tétanisé par la découverte de l'amour et des responsabilité qu'il implique. Comme pour se rassurer l'espace d'un instant, pour revenir en terrain sentimental conquis donc connu, il se rapproche brièvement et innocemment de son ex. Comme pour garder la porte de la facilité ouverte plutôt que de faire le grand saut dans l'inconnu. Pas de faux jeux de séduction donc mais la naissance d'un grand et sincère amour. Il faut dire que l'élue de son cœur est Shailene Woodley. La condescendance qu'il n'a pas pour son héros, Ponsoldt la compense par l'empathie maximale qu'il a pour son personnage, Aimee si bien qu'on tombe aussitôt sous son charme. Elle et lui sont des opposés (elle est studieuse, encore vierge et ne boit pas, il est fêtard, queutard et soiffard) et s'attirent donc inéluctablement. On croît d'abord qu'il va la changer et la pervertir mais c'est finalement elle qui l'humanise. Leur relation tend à rendre l'autre meilleur.
Les deux acteurs ont un talent monstre que vient souligner leur corps cabossé (Woodley a une scoliose et Teller des cicatrices sur le visage consécutives à un accident de voiture). Quelques scènes sont magnifiques (le travelling arrière dans les bois, la scène du dépucelage) et d'autres intenses (la scène déchirante de la rencontre avec le père et celle de la dispute dans la voiture avant et après l'accident). La surprise est pour moi d'autant plus grande que le début du film laissait présager le pire : l'écriture de la lettre de motivation pour la fac façon flashback, le jeu beau-gosse de Teller (à qui il n'aura finalement fallu que 5 minutes pour me convaincre), la tête de con de son meilleur ami Ricky...