Comme de coutume depuis plusieurs années avec la Palme d’Or, on verse dans le social, comme pour continuer l’opération rachat de conscience. Si la Palme d’Or précédente, I, Daniel Blake, avait un côté documentaire, elle racontait au moins quelque chose, plongeait authentiquement dans le social et avait une direction artistique. The Square qui parle pourtant d’art, pas vraiment. Ah mais oui, il s’agit d’art contemporain. Et donc conceptuel. Incompréhensible pour la plupart des personnes en somme. Un désert artistique dans une mer d’images à l’intérieur d’un carré. Ou plutôt du rectangle de l’écran de cinéma.
Précision utile pour la suite du texte : film vu en avant-première en présence du réalisateur.
Comment devenir ce qu’on dénonce
The Square souhaite pointer du doigt cette caste d’intellectuels égoïstes endogames et finit pas devenir lui-même un objet conceptuel qui ne sait pas s’expliquer. Ceci n’est pas un avis c’est le réalisateur lui-même dans ses réponses qui le démontre. Citons un exemple : à un moment, dans une scène intime, un singe passe dans le champ. Questionné sur la raison de la présence du chimpanzé, il répond qu’un film signe un contrat avec un spectateur (ce qui est majoritairement vrai), qu’il voulait briser ce contrat et que ce sont les autres films qui manquent de singe(s) en réalité. Soit. On ne doit pas avoir signé le même contrat alors. Parce que vu le pedigree du réalisateur, vu sa sélection au Festival de Cannes, il n’y a rien de choquant à voir entrer quoique ce soit de pseudo-loufoque dans le champs. Et franchement depuis Fellini ou Pasolini, on ne s’étonne pas de grand-chose dans des films dit « d’auteur ». C’est pas comme si il y avait cette scène au milieu d’Avengers ! Là, oui, on briserait le contrat avec le spectateur.
C’est tout le problème du film, il croit inventer mais il reste justement dans son contrat.
Plans fixes et ennui
Quant à la forme, elle tente de tirer vers le loufoque, par la mise en scène ou par la musique, rappelant vaguement La Grande Bellezza mais finalement reste dans l’austérité du cinéma scandinave. Ingmar Bergmann ce n’est pas exactement Dino Risi. Les plans le prouvent. Beaucoup de plans fixes, beaucoup de champs, pas de plans en mouvement. Ce qui pourrait être un parti pris, si les images s’enchaîner avec moins de pesanteur. L’ensemble donne l’impression qu’il a été tourné avec une seule caméra et que les images ont été collées les unes derrière les autres sans but précis, pour le simple plaisir d’exécuter une idée, de conter une histoire dans l’histoire. A noter que c’est le fait d’être scandinave qui permet un tant soit peu d’accorder du crédit à The Square. En effet, comme dans la majorité de leur production audiovisuelle, la qualité des images et des acteurs est optimale.
Au final, on peut accepter cette volonté de pointer du doigt. Pourtant à vouloir montrer des choses que la plupart des personnes qui verront le film savent déjà, c’est comme si Ruben Östlund était au milieu de la mer et nous disait : "Hé, ho ! Regardez ! C’est formidable nous sommes dans de l’eau salée ! Et qui est en mouvement ! ". Car ne nous leurrons pas. La plupart des spectateurs qui iront voir ce film auront déjà un avis sur l’art contemporain et les musées qui l’abritent. Merci au Festival de Cannes de continuer à montrer la voie. Celle de la vacuité.
Conclusion : quid de la créativité ?
Le réalisateur tire, comme il le dit lui-même, ses sujets de son environnement, comme le dit le personnage joué par Dominic West lors d’une scène d’entretien. Il s’identifie d’ailleurs à ce personnage, car il a vécu la même scène, dans un théâtre dans son cas précis, avec une personne qui était affectée également par le syndrome de Gilles de la Tourette. De plus, il répond aux questions sur le film parfois mot pour mot ce que disent les personnages du film en question ! On peut le comprendre par rapport à ses sources d’inspiration. Mais alors, quand on tire un maximum de ses proches, de ses observations et que l’on restitue des anecdotes réelles presque telles quelles, où est la créativité ? Le débat est ouvert.
La vidéo à chaud, en sortant de la salle !
Partie 1
Partie 2