Qu’importent les prix ; l’opinion sur un film ne doit pas être affectée par la question de savoir s’il devait ou non recevoir la fameuse palme. Celui-ci est captivant, on ne voit pas le temps passer et d’ailleurs, pour le critiquer honnêtement, il faudrait le revoir tellement les propos et les pistes ouvertes sont riches. C’est à l’évidence un film dérangeant comme peut l’être un hurluberlu qui perturbe la conférence d’un artiste d’art contemporain en criant des propos salaces du genre « montre tes nichons ! ». Syndrome de la Tourette ? Provocation contre l’art provocateur ? Faut-il être tolérant comme le réclame sentencieusement l’un des spectateurs ? Jusqu’où peut-on aller ? Dans le film, toutes les scènes, toutes les situations posent le problème de la norme et de la déviance dans une société dont le discours officiel affirme que les déviances sont normales. Et, bien sûr, au fond, personne n’y croit mais fait semblant d’y croire jusqu’à ce que les masques tombent et que les gêneurs soient sauvagement massacrés, comme dans la grande scène de l’homme-singe lors du dîner de gala. Le point de vue du réalisateur n’est jamais tranché ; il se contente d’explorer la vaste zone grise située entre la permissivité affichée et la rigidité des préjugés : de race, de classe, de sexe, etc. Il serait injuste de lui prêter des intentions réactionnaires ou cyniques ; il nous force à nous interroger nous-même. Ce qui est dérangeant, mais salubre.