Que reste-t-il à l'homme le plus fort du monde, s'il comprend en dépit de ses biceps qu'il mourra un jour, et que son animal de puissance yogi est un poulet, celui-là même qu'il marche tout le temps dessus sans faire exprès, tellement qu'il est trop balaise?
Il lui reste d'abord l'angoisse d'angoisser malgré tout, malgré qu'il se sait le plus fort du monde, surtout pour ça du coup, de n'avoir personne de plus fort que lui pour y projeter en fantasme la perspective d'une vie solide ailleurs... et ensuite il lui reste de bouffer du poulet, à défaut d'en faire un totem, avec une petite sauce aigre-douce au piment, et quelques nouilles dans une barquettes.
Le film est plein de petites métaphores comme ça absurdes, enfin absurdes mais pas tant, en somme ce gros nounours cherche ce qu'il appelle un pull, c'est-à-dire peut-être une personne ou un objet affectif dans lequel se lover, un doudou quoi, pour un peu de tranquillité. Lui c'est le BMX, ou les filles, il hésite, son pote c'est peut-être la natation, ou les chaises de bureau (il nous fait un monologue juste trop long comme il faut à propos d'une hideuse chaise IKEA jaune fluo), l'amireuse du héros son pull c'est Miami. Et c'est aussi peut-être lui...
Le traitement de la psychologie dans ce film est en fait très amusante, disons ludique, imagée, annoncée ou soutenue par de rares travellings comme des inspirations, comme pour laisser filtrer dans le mouvement innattendu, la surréalité des héros ordinaires qui luttent coudes à coudes, ou autour du cou l'un de l'autre, soudés, à coup d'images poétiques et de réflexions incongrues, et de musique, pour ne pas devenir les zombies aux yeux brillants de colère, de ressentiment, qui les poursuivent la nuit.
Les personnages sont très attachants, leur errance témoigne d'une lucidité jusque-là impotente, en recherche de connexions, maladroites, comme une seconde peau électrique qui ne demande qu'à se trouver le bon pull pour faire des étincelles.