James Gunn a l’art du détour. Il sait exploiter le savoir-faire en matière de créativité gore qu’il apprit et développa lors de ses années passées à la Troma Entertainment, de la même façon qu’il sait parodier le film de super-héros par diverses pirouettes tantôt verbales tantôt physiques, à l’image de son film Super (2011). Cet art du détour, qui s’incarne à l’écran par des trouvailles visuelles à la violence dégoûtante et savoureuse, par des blagues, des ratés, un mauvais esprit général qui séduisent le spectateur venu se divertir et qui trouve là l’occasion de se divertir, n’en demeure pas moins fidèle aux codes des blockbusters à la DC, qu’il entache de faux sang mais qu’il respecte à la lettre.


C’est dire que la provocation recherchée par The Suicide Squad reste superficielle et prudente : l’oiseau que l’on éclate par jet de balle revient se venger de son bourreau en becquetant ses organes, le requin est caractérisé par une naïveté et un esprit enfantin qui le rendent attachant, nous rangeant de son côté lorsqu’il disloque ou dévore les corps ennemis. Le problème de fond que posait le volet original se réitère ici : les membres de la brigade-suicide, présentés comme de redoutables méchants, disposent d’une caractérisation similaire à celle des super-héros dits gentils – alors qu’un Batman a une noirceur bien plus complexe que ces fantoches colorés –, ils finissent par sauver le monde, attestent une conscience à faire le bien.


Dès lors, les outrances à répétition se contentent de maquiller un produit identique aux menus préparés à la chaîne par cette industrie du fast food qu’est le blockbuster à la Warner ou à la Disney, certifié conforme, prêt à être ingéré et digéré, le sourire aux lèvres. Il paraît donc évident que la seule véritable liberté de création, pour un artiste, se fasse en dehors et à l’encontre de ces écuries milliardaires qui uniformisent le film de super-héros – pensons, par exemple, à The Green Hornet de Michel Gondry (2011), qu’un budget important ne privait pourtant pas de sa créativité et de l’identité visuelle et tonale de son auteur.

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le 6 août 2021

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