Comme beaucoup de réalisateurs avant lui, Robert Eggers a fait quelques courts métrages, dont celui-ci qui est une vraie merveille à tout point de vue.
C'est d'abord un fascinant mélange de raffinement esthétique et de précision historique (costumes, décors, accessoires, éclairages...), de trivialité du quotidien (le pot de chambre vidé chaque matin, la barbe souillée de nourriture du vieillard...) et d'horreur graphique brutale (le meurtre et le découpage du cadavre).
Mais c'est aussi une superbe adaptation de la nouvelle d'Edgar Poe, "Le Coeur révélateur", quasiment muette, à l'ambiance lentement contaminée par l'obsession irrationnelle puis la folie furieuse du domestique. L'interprétation hallucinée de l'interprète principal est parfaite. On le sent réellement perdre les pédales nuit après nuit, au cours de ses déambulations à la lueur de sa lanterne, échevelé, les yeux de plus en plus exorbités.
Je garde pour la fin la plus belle idée de cette adaptation :
le vieillard assassiné sauvagement par son domestique est joué par une incroyable marionnette de taille humaine,
une espèce de mort-vivant chenu totalement impotent, nourri à la cuillère et se contentant de grommeler dans son fauteuil roulant. Ce vieillard moribond est pour beaucoup dans l'atmosphère de cauchemar éveillé du film.
Avec ce film morbide lentement gagné par la folie, Robert Eggers rend un bel hommage à Poe et à l'esthétique du XIXe siècle.