De Kore-Eda je ne connaissais que ses drames sociaux, toujours très humains mais qui peuvent avoir tendance à pas mal se ressembler entre eux. Si on retrouve le goût pour des personnages très fouillés, The Third Murder est dans un registre tout autre, celui du film de procès.
Je trouve que c'est un film qui dialogue très bien avec Anatomie d'une Chute, qui lui te pose la question de qui dit la vérité, et de comment la fabrique t'on. The Third Murder part d'un postulat bien plus radical : personne ne dit la vérité, et le procès n'est qu'un rituel froid, déterminé par une loi abstraite et les habitudes sociales.
Le point de départ, c'est qu'un grand avocat est appelé pour défendre un meurtrier récidiviste qui a avoué son crime. Il doit trouver une stratégie pour défendre son client et lui éviter la peine de mort. Et évidemment, rien n'est aussi simple que prévu, et c'est l'occasion de mettre à profit le gros point fort du cinéma de Kore-eda : ses personnages très fins et touchants, pris dans la machine judiciaire.
On retrouve pas mal d'idées de mises en scène qui fonctionnent très bien : la salle de procès statique, avec la lumière qui entre façon église (autre manière de mettre en avant la sacralité de la procédure. La vitre du parloir fait office de frontière matérialisée entre le bien et le mal, et sera plus ou moins marquée selon le moment. Il y a aussi tout un tas de petite scène qui sont présentées au spectateurs, pour lui faire construire un récit qu'il va ensuite devoir questionner.
Si formellement le film excellent, avec l'utilisation du Cinemascope qui t'en met plein la rétine, l'intrigue est pas forcément aussi solide que dans d'autres films, et ca ne te laisse pas une impression de "film parfait" ou de "chef d'oeuvre". Ca tire peut être un peu fort sur le pathos parfois. Moins abouti qu'un Anatomie d'une Chute, mais beaucoup plus malin sur le propos.
Les limites du système judiciaire contemporain est un thème qui me parle beaucoup, et c'est clairement le point de départ du film. En interview, j'ai lu un passage qui résume bien le film : Le point de départ est une conversation avec les avocats qui me conseillaient sur le tournage de Tel père, tel fils. Selon eux, la représentation des procès criminels dans les films et les séries n’est pas crédible : on y voit des juges attachés à la quête de la vérité, alors que, dans les faits, les audiences servent surtout à déterminer les peines. En tant que citoyen extérieur à la justice, on a tendance à considérer que les tribunaux sont des lieux où, justement, on s’attache à rendre justice, à ce que le bien l’emporte ou, à tout le moins, à ce que les peines encourues correspondent avec équité aux faits reprochés à l’accusé. Mais s’il ne s’agit pas de cela, quels sont les enjeux réels ?