Nature, toujours, tu me conduiras jusqu'à Dieu

Je ne pense pas qu'il faille considérer ce film comme une œuvre d'art, du moins comme une oeuvre d'art dont on a l'habitude de critiquer les bons et les mauvais points. Non, car je pense que ce film dépasse ce statut. Il dépasse ce statut de film, au sens où on a l'habitude de l'entendre. Tout d'abord car il est bien-sûr très expérimental, mais aussi dans une moindre mesure, parce qu'il a cet atout qui fait que l'on ne le voit pas de la même façon en tant que spectateur. Tree of Life, dans son ensemble, nous donne l'impression de contempler une messe, comme si le film en tant que tel paraissait parler à quelque chose de plus grand que nous.


L'introduction, criante de poésie et de grâce, laisse rapidement place à la prodigieuse, la suprasensible séquence de la création de l'univers. Je crois que dans tous ce que j'ai vu du cinéma, je n'ai jamais rien vu de plus beau. C'est tout d'abord d'une beauté plastique incontestablement parfaite. Mais surtout, la puissance hallucinatoire qui s'en dégage, par l'aide notamment du morceau Lacrimosa, atteint un niveau et de transportation spirituelle viscéral que je n'ai personnellement jamais vécu.


L'odyssée de la vie a commencé. Le voyage au cœur du film, est maintenant lancé...


Malick cueille, Malick surprend, il saisit chaque instant de l'évolution comme personne n'en est capable. Des assemblages lyriques de l'infiniment petit, à l'éclosion du soleil, en passant par la naissance des dinosaures... Quelque chose de magique, d'intense se dégage de ce qu'il filme. On assiste véritablement à la création du monde. Et c'est ici, que le réalisateur est le plus fort. La foi qu'il place en la nature amène son art au même niveau que celle-ci : une connexion entre Dieu et ceux qui le pensent. Cette oeuvre en tous points métaphysique est simplement d'une richesse infinie. Cathartique, elle nous remet vraiment face à la partie du monde qui nous dépasse. Une partie dont nous sommes tous vouées à perdre le contact...


Si l'on s'attarde un peu sur le lot de situations poétiques et innocentes qu'offre la vie de cette cellule familiale, on remarquera notamment à quel point "l'entité supérieure" est toujours présente (et ce sont bien les eaux, les arbres, les vents, les lumière : ou bien plus simplement la nature qui représente cette entité, étant elle-même la fruit d'une potentielle entité que l'on nommera Dieu.)


La nature étant aussi vénérée que Dieu par Malick qui la juge comme étant la connexion la plus proche entre lui, Le Seigneur, et nous, humains.


Néanmoins, on remarquera aussi que les hommes oublient facilement cette "entité". Pire : qu'ils se laissent aisément guider par la cupidité du noyau culturel qui les entoure (cf. : le père beaucoup trop attaché à la réussite et au travail, sans doute à cause de sa condition d'homme). Ils ne font pas attention à la beauté, ces si petites choses que Malick filme magnifiquement. La beauté, la nature, Dieu, c'est quelque chose que l'on pense mais auquel on ne fait pas attention. Une lumière toute simple (que la photographie magnifie), c'est invisible pour celui qui ne pense pas. En revanche, pour les idéalistes qui pensent (comme la mère, Jessica Chastain, si belle de fragilité et de sincérité), cette lumière est beaucoup plus.


On sera tous plus ou moins touché par la poésie des moments auquel le long-métrage donne lieu. Le flottement d'une main dans le vent, la course d'un bébé sur le parquet en bois, le jeu innocent d'une mère et de son fils sous les jets d'eau... Il est impossible que cette œuvre oublie de vous rappeler ne serait-ce qu'un infime instant de votre vie antérieure. Un plan, une scène, ou même un des thèmes qu'elle aborde, qui peuvent tour à tour nous murmurer intimement certaines choses : la dualité entre un père autoritaire et son fils rebelle, les jeux dangereux menés par les préadolescents qui engendrent la remise en question, un déménagement difficile qui nous force à abandonner une part de notre vie, ou encore une prise de conscience qui nous ramène à la spiritualité (cf. : quand les enfants rencontre la mort pour le première fois avec la noyade d'un de leurs camarades)...


Quant à la thématique du deuil, elle s'accompagne bien sûr de beaucoup d'interrogations, souvent liées à l'existence même du Seigneur. Des questionnements, à la réponse en apparence simple pour ceux qui se définissent "athées". Cependant, lorsque l'on pénètre dans la psyché des protagonistes religieux qui eux se questionnent sur quelque chose auquel ils ont toujours cru, tout devient plus difficile. Dans l'esprit d'un vrai croyant, tout est plus complexe, plus idéalisé, et donc plus supposé à devenir fragile face au mal qui émane du monde sensible. D'ailleurs, on notera que le réalisateur, au contraire de sur-accorder de la place aux prières de deuil et aux actes de foi, laisse avant tout la part aux réflexions métaphysiques du couple de parents, qui elles petit a petit germent pour les mener jusqu'au même dilemme que le spectateur : croire ou ne pas croire. Le tragique en est de ce fait plus fort, et lorsqu'enfin Malick apporte une image ; une réponse à cette question avec cette magnifique et gracieuse scène de fin (tout droit sortie d'un esprit de chrétien), le soulagement est grand, tout comme l'espoir, qui en cela renaît. Que l'on croit en Dieu ou non, que l'on pratique ou non une quelconque religion, on ne peut nier la beauté et la sincérité de cette ultime séquence, qui a tout de même le mérite de répondre à une réflexion universelle et intemporelle, que nul ne sera jamais en mesure de comprendre, ni même d'éclaircir scientifiquement.


En bref, The Tree of Life n'est pas une expérience qui se décrit. Elle se vit avant tout, même si, au-delà : elle apprend, comme elle s'apprend. Elle est comme un retour au sources, très puissant (à la fois universel pour nous qui découvrons la naissance l'univers, mais aussi personnel pour le personnage de Sean Penn qui lui finit par retrouver la famille avec laquelle il a vécu tant de choses). Aux recoins intimes d'une nature, d'une entité enfouie, que Malick tente de capter dans une poésie si noble qu'il serait impossible de ne pas se sentir touché par son art, qui transcende la notion même de cinéma.


Un chef-d'œuvre à la fois humaniste, spirituel et religieux, qui guide les défunts comme les endeuillés vers un paradis auquel j'ai personnellement envie de croire (et pourtant je ne suis pas religieux). Vive Malick !

ArtWind
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le 15 août 2021

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