Oisiveté dépressive & éloge de la lâcheté
Palme d'Or 2011, le cinquième film concocté par Terrence Melick, lequel s'est comparé à Kubrick pour l'occasion, est une tétanisante baudruche.
Jessica Chastain y est une pitoyable bourgeoise fade et inconsciente, présentée comme un modèle de vertu, mariée à un gros requin, un homme de la ''nature'', l'infâme nature qui se joue sans les lois de la grâce et se rie de la volonté de Dieu ; mais pourquoi rester auprès de son antagoniste, alors ? Par charité ? Ou plutôt, par paresse : de revendiquer sa vision et sa foi, de travailler, concevoir ou au moins espérer la réforme, de connaître son essence. Le père donc (Brad Pitt) tente d'inculquer des principes et mène la vie dure à ses enfants pour les former ; avec cynisme, il envisage la vie comme un combat. Il mord la vie ; en vain nous signale-t-on, car il s'applique des choses bien superficielles. La force, le courage, la maîtrise de l'environnement, le dépassement de soi : voilà des préoccupations bien ridicules selon Malick.
Instaurant une dualité entre la Nature et la Grâce, cette « épopée cosmique » étaye une vision manichéenne, opposant tous les mauvais sentiments, mais aussi les présumés tares générales (le langage est proche de celui de la dénonciation de péchés originels) ; et les valeurs synthétisées par la bonne épouse dévouée et évanescente : acceptant d'être dans l'ombre, acceptant l'ignorance et le rejet, ne travaillant pas à sa satisfaction (comme elle aime le préciser!) mais préférant servir. Le problème, c'est que Malick amalgame le devoir et la servilité ; il démonise l'ambition et la volonté. Et cette figure de ''grâce'' qu'il nous montre, ce n'est qu'une femme médiocre et repliée, vacante, dont le seul intérêt est d'être disposé au bon vouloir des autres. Son utilité est donc particulièrement étriquée, puisque drapée de sa dévotion, elle n'agit que pour tout affadir, tout crisper ; d'ailleurs sa ''pureté'' est un savant prétexte à l'inaction, au refus de grandir et de réfléchir, au rejet de son autonomie et du progrès, pour soi comme pour... les autres.
Il faut noter le plastiquement joli moment d'exploration de l'espace et de la vie terrestre, via le longs plan-séquence ''mystique'' niché dans le début (une demi-heure après le lancement de séance) où apparaissent des créatures préhistoriques. De son côté, la BO (reprenant notamment Lacrimosa entendu dans La Double Vie de Véronique) est assez merveilleuse, soulignant une certaine emphase que Malick aurait pour l'existant... mais il semble en même temps l'ignorer. C'est troublant : il montre mais refuse d'accorder une nature propre, une validité organique, une indépendance morale à ce qu'il voit... Cette cécité au profit de l'emballage ''religieux'' est agaçante. Il fait du vivant une parodie, une expression banale et décorative de la volonté d'un Dieu bien secret, trop jaloux pour s'afficher. C'est un parti-pris. Qui suinte le nihilisme compassé, converti par une lecture foklorique des enseignements sacrés.
Reste niché dans ta faiblesse et ton égocentrisme flétri, Terrence. Maquille-les comme tu veux. Ta métaphysique pue de toutes façons, c'est celle de la pute du pessimisme le plus laborieux, déguisée en ouvrière de dieu.