The Tree of Life suscite trois types de réactions : les avis dithyrambiques, les plus sceptiques qui disent avoir du mal à dire s'ils ont aimé ou non, et les mécontents qui crient à l'escroquerie. Je me situe clairement dans la seconde catégorie et pourtant je vais faire preuve de bien peu de recul et livrer mes impressions à la sortie de séance.
Car la dernière réalisation de Terrence Malick est assez insaisissable, ce qui lui a valu le label "intello", validé par une palme d'or fraîchement remportée.
Le synopsis assez réducteur ou la bande-annonce peu équivoque ne permettent pas au spectateur de se faire une idée du film et de l'appréhender.
Et il faut dire qu'à cet égard, la première demi-heure est plus que déboussolante, pour ne pas dire poussive... et a amené certains à qualifier le film de "nouveau 2001". Pour ne pas faire durer le suspense : The Tree of Life est un film absolument magnifique. Même lorsque l'on s'ennuie, on ne peut que s'incliner devant la réalisation magistrale : les plans à tomber s'enchainent, la sensation d'échelle vertigineuse est rendue avec poésie et virtuosité. A part quelques évocations peu subtiles et galvaudées sur la fin, The Tree of Life est un chef d'œuvre graphique et esthétique, et n'est jamais pris en défaut dans ce domaine. La bande son, sublime, parachève de forger la grande cohérence technique du film.
Maintenant, sur le plan narratif et rythmique, il y a de gros problèmes. Riche en messages, thématiques, avec une portée métaphysique ostentatoire, les branches de l'arbre se déploient et laissent entrevoir une certaine religiosité un peu ennuyante et déplacée. Les séquences de la vie de famille dans les années 50/60, avec un Brad Pitt en grande forme, une Jessica Chastain qui remplit son office (un peu uni-dimensionnel comme personnage...) et des enfants bluffants, sont intéressantes mais trop éparses. Elles sont distillées au compte-goûte pour laisser place à des interludes techniques définitivement masturbatoires et qui viennent à chaque fois hacher le rythme d'un film déjà plein de superflu. Les quelques scènes se déroulant dans le présent laissent bien peu de manœuvre à un Sean Penn qui se contente d'errer dans des décors oniriques.
Peut-être que le réalisateur ayant trop de concepts et d'idées intéressantes en tête, a-t-il voulu lier le tout dans une production clairement ambitieuse. Ce refus de sélectionner avec pertinence, qui est à opposer à cette volonté d'exhaustivité et de versatilité permanente en font un film qui ne peut prétendre qu'au titre d'exercice de style visuel de haute volée. Difficile de ne pas reconnaître, donc, des qualités bien réelles, mais plus encore de fermer les yeux sur des écueils trop nombreux. Et justement, les yeux, on voudrait les garder ouverts, pour au moins savourer le feu d'artifice visuel qui a parfois des moments de génie narratifs. Trop peu nombreux. The Tree of Life est un film qui se donne des airs de chef d'œuvre plus qu'il n'en est un, mais tout cela repose uniquement sur la plastique. Et quand, passée le visionnage, celle-ci se dissipe, il n'en reste qu'un film qui à vouloir être tout à la fois, n'est rien, et délivre un message confus qui à défaut d'être prétentieux est finalement bien creux.