2011 est décidément une année maudite pour le cinéma. Après Clint Eastwood, Sofia Coppola, Zack Snyder, Jaume Collet-Serra, Gore Verbinski ou encore Tsui Hark, c'est au tour de Terrence Malick, auteur de bijoux tels que Les Moissons du ciel, La Ligne rouge et Le Nouveau monde, de se planter lamentablement. On pensait le bougre intouchable, cantonné aux chefs-d'œuvre ad vitam aeternam : il vient malheureusement nous apporter, avec The Tree of Life, la preuve ultime que mêmes les plus grands sont capables des pires erreurs.

The Tree of Life... de quoi ça parle ? D'un père autoritaire, voire cruel (incarné avec brio par Brad Pitt), qui échoue dans l'éducation de ses fils. De son seul fils survivant, 40 ans plus tard, qui se rappelle sa dure enfance, flashes-forward à la clé, plus anecdotiques qu'autre chose, sous-exploitant honteusement l'immense talent de Sean Penn (quel gâchis). De la création de la Terre, à grand coup d'icônes cosmiques et contemplatives volées à Kubrick et Ushuaïa Nature. D'un parasaurolophus miraculeusement épargné par un vélociraptor, grâce des images de synthèse approximatives, d'une hideur désarmante (une audace grotesque qui a tout de même réussi à faire rire une salle pleine à craquer de fans du cinéaste). Le tout commenté incessamment par une véritable chorale de voix-off chuchotantes, en une litanie à la morale judéo-chrétienne écœurante, à force de répétition. Les caresses langagières des précédents films de Malick troquent ici leur douceur contre un martèlement aussi subtil qu'une enclume métaphysique. Paradoxalement presque dépourvu de dialogues, The Tree of Life devient ainsi insupportablement bavard et finit par nous faire sombrer dans l'ennui le plus total. Pas le moindre ciment narratif à l'horizon, pas la moindre trace d'une quelconque cohérence scénaristique ou thématique. On subit littéralement un flot de paroles vides de sens, admiratives de leur poésie autoproclamée. On est très loin de la prière bouleversante qui structurait et donnait un sens décalé aux images du Nouveau monde.

Mais, non content de nous assommer avec cette bouillie indigeste de paroles horripilantes adressées à Dieu (rien que ça), Malick décide de nous achever en nous offrant un bouquet d'images soi-disant expérimentales, dont la splendeur glaciale finit par engendrer non pas un film, mais un gigantesque clip, un immense spot publicitaire, aux relents platement écolos, voire new age dans son dénouement, si on peut appeler ainsi la fin d'un film qui n'a ni queue ni tête. On se contrefout du scénario, du traitement des personnages, de l'émotion, on espère endormir la conscience du spectateur en lui en mettant plein la vue. N'ayant rien à raconter, le cinéaste se contente d'une enfilade, parfois mal montée, d'images sublimes. Une splendeur vaine qui ne trouve aucun écrin pour s'épanouir. On voit littéralement transparaître à l'écran la fierté du chef-opérateur, qui se targue de savoir créer des images bien chiadées, à grands coups de mouvements de caméra tarabiscotés. La même prétention insupportable qui hante les films de Gaspar Noé aurait-elle gangrené le cœur pur de Terrence Malick ? Espérons que cette manie n'est que passagère et qu'il se ressaisira bientôt, car The Tree of Life pue à plein nez le pseudo film d'auteur qui se gargarise de son incompréhensibilité, qui se croit supérieur à son spectateur, qui trouvera son public auprès de quelques intellos sinistres. Le cinéma est un art universel, à la portée de tous : avec The Tree of Life, véritable Sucker Punch sans action, Malick a sacrifié sa générosité habituelle pour une vulgaire séance de branlette cinématographique, nous balançant un film solitaire, qui se roule dans le foutre de son auto-contemplation, mais qu'on oubliera bien vite, sur les rivages poisseux de la médiocrité. En allant revoir le très sous-estimé The Fountain, de Darren Aronofsky.

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le 18 mai 2011

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