Palme d'Or ou non, il fallait que j'aille voir le nouveau Malick. J'avais réussi à échapper au Nouveau Monde, mais celui-ci, sans trop savoir pourquoi, je savais que je n'y couperais pas. Pour relativiser, en cas de torture atroce, je me disais : " Au moins y'aura les belles images de planètes supervisées par Douglas Trumbull "
Donc je l'ai vu.
D'ores et déjà le film est plus intéressant que ses trois premiers réunis, pour la seule raison qu'il me fait me poser une insatiable question : Est-ce le gamin du film qui a douze ans, ou le réalisateur ?
Première hypothèse : c'est le gamin.
Le film est une incroyable réussite. Réussir à retranscrire les émois et les craintes d'un pré-ado en manque de repères, en allant jusqu'à s'effacer dans le propos pour n'y laisser que ceux - aussi peu pertinents qu'idiots, et c'est rien de le dire... - d'un pauvre gamin sans intérêt, c'est la marque d'un grand courage de metteur-en-scène.
Deuxième hypothèse : c'est le réalisateur.
Alors je comprends tout. C'est pour ça que les producteurs ne l'ont pas laissé venir accepter son prix à Cannes. C'est bien trop humiliant : "Oui on a confié un budget de 32 millions de dollars à un enfant."
Haha...
Evidemment, je pourrais tout torpiller en basculant tout de suite vers la deuxième hypothèse, mais au cours du film, je dois reconnaitre que la première prend le pas. Si l'on élimine la propension maladive de Terrence Malick à ne pas savoir filmer les gens qui font de la balançoire, à se laisser fasciner par le soleil qui perce la cime des arbres ou encore n'importe quelle bestiole qui passe par là ( ce qui finalement ne constitue que 5% de métrage. C'est très pénible, mais pas insurmontable ! ) la description au premier degré de ce que traverse l'enfant vis-à-vis de son père, et ses interrogations sur le sens de la vie sont en plein dans le mille.
Le problème c'est que pour le reste du temps imparti, il n'y a aucune tenue de route. Les enfants de douze ans aiment les dinosaures et imaginent des choses bizarres pour le Jugement Dernier, mais ce qu'on voit dans ces scènes là ne reflètent en aucune manière ce que se figure un enfant. Du coup j'y vois les atermoiements d'un cinéaste imbécile, qui trouve que filmer un dinosaure épargner un autre est porteur de sens autant qu'un grand frère qui blesse son cadet, et qu'au Jugement Dernier, il y aura des mouettes mais pas de dinosaures. Fuck'em.
Je n'attendais pas du réalisateur de The Thin Red Line qu'il ponde un film intelligent, mais être à ce point à côté de la plaque philosophiquement alors qu'on vient de réussir le pari d'évoquer l'enfance avec autant de précision, c'est criminel. Si l'ensemble du film parvenait à me convaincre que Terrence en personne n'essayait pas de délivrer un message, mais bien de suivre l'enfant, j'y aurai cru volontiers.