La signification exacte du titre, The Unstable Object, reste quelque peu obscure à la fin du visionnage de ce documentaire qui pose un regard sur trois lieux de travail à travers le monde : d'abord, une usine de montage Volkswagen à Dresden en Allemagne, puis une entreprise employant des personnes non-voyantes qui fabrique des horloges à New York aux États-Unis, et enfin une entreprise turque spécialisée dans la réalisation de cymbales à partir de paille de bronze à Istanbul. Une voiture, une horloge, une cymbale, soit trois objets confectionnés dans trois environnements industriels radicalement différents pour ne pas dire opposés.
Entre 20 et 30 minutes sont consacrées à chaque site, selon des progressions et des ambiances qui évoluent de manière drastique à mesure que les différents pays défilent.
Il y a d'abord l'ambiance extrêmement aseptisée de l'usine automobile allemande, avec ses ouvriers en tenues blanches souvent immaculées, qui assemblent méthodiquement des pièces sur la carrosserie de futures voitures. Chaque poste semble unique, chaque ouvrier libre de ses mouvements pour réaliser des actions diversifiées. Au milieu d'immenses hangars, ils circulent aux côtés de robots apparemment autonomes en charge de quelques tâches vaguement identifiées — transports de composants lourds, vissage de parties critiques, etc. Au terme de l'aperçu, on peut voir des clients fortunés repartir directement du lieu dans leur voiture de luxe, qu'une hôtesse aura pris le soin de garnir de leurs effets personnels, après être passés par d'immenses portes coulissantes rutilantes.
Puis vient l'atmosphère d'une usine d'assemblage d'horloge bas de gamme, où les schémas de travail à la chaîne sautent immédiatement aux yeux, une fois établie la particularité des personnes mal voyantes. On voit les mêmes gestes répétés inlassablement, répartis au travers d'une poignée de postes. Les objets sont produits en série, à une cadence élevée.
Le troisième temps est consacré à une activité que l'on n'identifie pas aussi rapidement que les deux autres, la mise en scène prenant le soin de nous laisser voir la matière première métallique travaillée, chauffée, aplatie, martelée, avant de voir apparaître les premières cymbales. Cette structure inversée, ne laissant apparaître l'objet final qu'au terme de son processus artisanal, change complètement la dynamique : on observe avec un intérêt très différent les gestes de ces ouvriers qui manipulent les copeaux de bronze, alimentent des fourneaux rudimentaires, remplissent des poêlons avec le métal en fusion, puis aplatissent les disques avant que d'autres ne les frappent incessamment pour obtenir la cymbale finale.
Daniel Eisenberg manipule la pellicule pour faire émerger une réflexion sur le travail et sur le temps, avec des exercices qui fluctuent entre l'exécution d'un ballet de haute technologie très singulier, la chaîne d'assemblage comme un voyage dans le temps, et le concert du métal transitant entre plusieurs états. Le temps de construction de chaque objet est probablement le seul dénominateur commun aux trois secteurs presque antinomiques, trois modes de production marqués par la répétition soutenue des mêmes gestes.
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