Trop longtemps, Shyamalan est resté absent de nos écrans. Trop longtemps, on a oublié qu'on avait affaire à un Grand. Un artisan à la patte singulière ayant le goût du travail soigné, capable de toujours raconter (au moins) deux histoires en une, d'émouvoir tout en terrifiant, de faire réfléchir tout en offrant un divertissement honnête. Un auteur dont on montrera peut-être plus tard les films lors de leçons de cinéma (Ouais. Je l'aime).
Boudé par le public et la critique, montré du doigt, moqué et déjà enterré vivant pour beaucoup, Shyamalan repointe discrètement le bout de son nez sur nos écrans avec un petit film presque sorti de nulle part. Une vague histoire de gamins en vacances à la cambrousse chez leur grands parents aux mœurs inquiétantes. Pas de têtes d'affiches au casting, l'usage douteux de la très en vogue caméra amateure...
La rumeur serait donc vraie ? Shyamalan serait au fond du trou et se prostituerait salement pour tenter de s'en extirper ?
Essayant bassement de racoler les nombreux fans des très rentables Paranormal Activity ?
Mes biens chers frères, permettez moi de vous rassurer: il n'en est rien.
Commençons par le commencement, si vous le voulez bien: ceci n'est pas du "found footage" de bas étages. La vraie-fausse réalisatrice de ce documentaire y a mis du cœur. Elle a soigné sa mise en scène.
Il faudra en effet garder à l'esprit que si Shyamalan a eu recours ici à ce style qu'on pourrait penser racoleur c'est avant tout pour mieux s'effacer au profit du point de vue de sa protagoniste principale et de celui de son sidekick de frère (le jeune comédien australien est la révélation du film), qui tentent de percer les secrets de leur famille et de révéler au grand jour les non dits. De comprendre le monde des adultes, et pas seulement leurs étranges grands parents.
Mais on l'admettra volontiers, si ce procédé est avant tout au service de "l'histoire dans l'histoire" et lui donne une dimension intimiste bienvenue et l'aspect immersif nécessaire, il s'avère surtout redoutablement efficace lors des scènes flippantes, et l'auteur de ces lignes doit vous avouer qu'il n'avait pas autant eu la trouille dans une salle de cinéma depuis bien longtemps (crispé sur le siège, solidement agrippé aux accoudoirs, frôlant un peu plus l'infarctus a chaque nouveau sursaut).
Très drôle (jamais Shyamalan n'avait autant eu recours à l'humour dans ses films), un brin émouvant, mais surtout atrocement angoissant, sournoisement malsain, et fort d'un suspens éprouvant, The Visit est un grand huit émotionnel doublé d'un vrai bon film qui marquera durablement les mémoires et provoquera quelques cauchemars.
The Visit semble avoir tout pour être le twist inattendu de la carrière de Shyamalan, le film qui rappellera aux hommes de peu de foi que ce type est un grand réalisateur qui signe ici - double performance - son film le plus effrayant et le plus divertissant à ce jour.
Vite ! Qu'on lui confie une adaptation d'un roman de Stephen King et qu'on le laisse faire ! On n'ose imaginer ce que ÇA ou Le Talisman pourraient devenir dans les mains du bonhomme, tant il semble doué pour entraîner les enfants dans des univers terrifiants.