Le cinéma tchécoslovaque des années 60 est un modèle de contestation politique par la satire, lorsqu'elle devait passer à travers le tamis de la censure, avec ses embardées allégoriques taclant sans relâche le régime en place. Des réalisateurs comme Milos Forman (Au feu les pompiers ! en 1967, L'Audition en 1963), Jiří Menzel (Alouettes, le fil à la patte en 1969) ou encore Věra Chytilová (Les Fruits du paradis en 1970) en sont sans doute les plus célèbres représentants, et La Dame blanche de Zdenek Podskalský s'inscrit parfaitement dans ce cadre-là, avec une variante originale : le fantastique, dont l'irruption dans une petite communauté chamboulera à peu près tout, les repères des uns et les croyances des autres.
La société tchécoslovaque du milieu des années 60 est dépeinte à travers ce village qui ploie sous le poids des insuffisances, avec en toile de fond une économie on ne peut plus morose. Il y a d'un côté les pauvres gens qui n'ont pas accès à l'eau potable à l'intérieur de leur maison, et de l'autre les caciques du parti à la manœuvre qui tentent tant bien que mal de rationaliser l'irrationnel. La dame blanche du titre, on l'apprend très vite, n'a rien de l'hallucination : il s'agit bien d'un fantôme réveillé de son tableau, après qu'une personne a prononcé par hasard la bonne formule, dont la seule motivation consiste à réaliser les vœux des quidams les soirs de pleine lune. La satire est ainsi double : il s'agit non seulement de dénoncer les conditions de vie du peuple tchécoslovaque, dont les vœux les plus chers ont trait à une forme de pragmatisme absolue, de la pose d'une canalisation au pavage d'une rue, mais également railler l'idéologie au pouvoir qui désire coûte que coûte contrôler tous les événements (disposition quelque peu difficile à tenir lorsqu'il est question de fantôme).
La comédie s'installe principalement dans l'interprétation de la réalité qui est faite par divers personnages, du prêtre au maire en passant par les villageois. Le régime est confronté à une série de contradictions qu'il ne peut plus contenir, donnant lieu à une série ininterrompue d'absurdités captées avec une très grande ironie. Les miracles donnent ainsi beaucoup de fil à retordre aux autorités, qui tentent vainement de trouver des explications. The White Lady manie le registre comique avec beaucoup plus de tact que des films ("classiques" mais très artificiels) comme Alouettes, le fil à la patte, et se termine sur une énième mystification, au cours de laquelle la population ne sait plus ce qu'elle doit croire et se lance dans les eaux d'un fleuve à la nage, en prétendant marcher sur le pont que le régime n'a pas encore eu les moyens de construire.
"Longue vie au nouveau pont !
- Mais il n'y a pas de pont ici...
- Tu n'as que ça en tête, la vérité. Tais-toi et nage !"
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