On n’aborde rarement The Wicker Man en toute innocence. Soit on est un fan de Nicolas Cage, et on s’attend à une série Z où le comédien se donnera une nouvelle fois sans compter, soit on est un brin cinéphile et on sait qu’il s’agit du remake d’un très singulier film au même titre, traduit en 1973 par Le Dieu d’osier, et réalisé par Robin Hardy. Appartenant à la sous-catégorie du folk horror récemment remise au goût du jour par le réussi Midsommar, il propose une incursion dans un communauté aux rites païens, jouant des contrastes et des malaises culturels par rapport aux repères bien établis du visiteur y menant une enquête.
Le scénario est ici respecté presque à la lettre ; même enquête, mêmes étapes, et, curieusement, même dénouement audacieux. L’analyse comparative est néanmoins fertile, car elle permet de définir en quoi l’original avait du sens, et sa copie est devenue un produit parfaitement inepte et indolore.
On ne s’attardera pas inutilement sur les tics d’écriture et de mise en scène d’un réalisateur dont le reste de la honteuse filmographie garnissant les soldes des plateformes de streaming suffit à mesurer le talent. L’implication personnelle de notre enquêteur implique un trauma originel qui justifiera les sourcils penchés du faciès canin de Cage : gentil flic à moto, le voilà incapable de sauver du feu une petite fille dont il avait ramassé la poupée sur la route. La séquence était déjà pénible, elle sera réitérée à de maintes reprises (rêves, flashbacks, en noir et blanc, avec de l’écho, des dédoublements d’images, et toujours, ô douleur, ce 36 tonnes qui déboule pour massacrer l’innocence, allégorie subtile du film dans son ensemble). Les hallucinations, soit le ressort scénaristique du manchot de moins de cinq ans, seront d’ailleurs habilement exploitée pour ménager quelques fausses pistes, dont le collector « ô mon dieu ce cadavre était un rêve, je me réveille, ouf, mais ô mon dieu, le cadavre est tout même là, mais re ô mon dieu ce nouveau cadavre était un rêve ».
Non, ce qui retient l’attention, c’est le nettoyage savant opéré sur tout ce qui faisait la saveur acide du premier opus. Le paganisme était évidemment surtout abordé par la question de la sexualité, omniprésente dans la communauté, des couples forniquant dans l’herbe, la fille de l’aubergiste proposant ses services au policier ébouillanté dans sa chambre, et, surtout les enfants étudiant à l’école les vertus du phallus et de la fertilité continue de Mère Nature. Ici, le scandale réside, notons la blague de la part d’Hollywood, à imaginer une société fondée sur le matriarcat où les hommes serait de la main d’œuvre méprisable, et à l’exception de la mention du symbole phallique dans la salle de classe, toute la thématique sexuelle est édulcorée.
Rien, si ce n’est notre sauveur Cage qui va entreprendre de remettre de l’ordre dans tout ça en savatant les mères fondatrices.
Arrivé à ce stade, on aurait aimé un jusqu’au boutisme assumé, auquel la carrière du comédien nous a bien habitué. Déguisé en ours et talochant des gueules, il eût été parfaitement légitime de le voir s’armer d’une pelle pour vous renverser ces femelles maléfiques et remettre le symbole phallique à sa juste place, cadran solaire de cette communauté déviante qui n’attendait que lui. Mais non, le bonhomme brûle quand même, comme dans l’original.
C’est bien la première fois qu’on est déçu de ne pas l’être davantage. Décidément, Cage arrivera toujours à nous surprendre.