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D'abord, The Witch est un film d'horreur. Certes, il est complètement à part dans la production actuelle du genre. Pas de jump scare, pas d'apparitions fugitives mais tellement attendues dans un miroir de salle de bain, pas d'ombres au fond du couloir, rien de tout ce qui fait 95% des films du genre depuis des années maintenant. Donc, disons-le tout de suite, ceux qui voudraient voir ce film comme les réalisations de James Wan, passez votre chemin.
Et pourtant, nous sommes bel et bien dans un film d'horreur. Un de ces trop rares films où le réalisateur fait un vrai travail de cinéaste : il plante une ambiance, il prend son temps, il fabrique des images et utilise le rythme. Visuellement, c'est juste superbe : impossible d'ignorer l'influence des grands peintres flamands. Mais ce souci de l'esthétique n'empêche pas les images de donner une ambiance. Il suffit d'une balade en forêt derrière le pauvre Caleb, seul avec son fusil, pour comprendre que les choix de mise en scène donnent leurs fruits.
La musique y est aussi pour beaucoup. Une musique sans mélodie, stridente, malsaine. Avec intelligence, Robert Eggers choisit donc d'employer tous les moyens que lui offrent la narration cinématographique pour faire son film.
Et sur le plan de l'horreur, le résultat est remarquable. Une angoisse qui s'implante très vite, s'insinue dans chaque plan, dans les ombres des intérieurs éclairés à la bougie, dans cette lisière de la forêt qui laisse supposer tant de choses cachées, dans cette famille qui est décimée progressivement.


Il y a donc l'horreur, et il y a tout le reste.
Cette réflexion sur la religion et le Mal, par exemple. De la famille rejetée par la communauté jusqu'à la fille rejetée par la famille, la religion apparaît d'abord comme une force qui sépare, qui dissocie. Et c'est ce qu'elle fera tout au long du film : exclure, expulser. Pour se renfermer un peu plus sur soi.
Mais avec la religion, c'est toute la question du Mal qui est posée ici. Certes, la religion fait obligatoirement la distinction entre Bien et Mal, mais elle affirme aussi que « nous sommes tous les enfants du péchés ». Du coup, qui est innocent ? Si même le bébé Samuel, disparu (enlevé ? tué ?) aux premières minutes du film, est voué aux flammes de l'enfer, alors personne ne peut donc être sauvé. Le Mal n'a donc plus une existence extérieure, il est en nous, en chaque personne. Et c'est ce que semble confirmer la succession de confessions que se font les membres de la famille : l'un a volé et revendu un vase en argent, une autre ne sent plus la présence du Christ, certains parlent aux animaux, etc.
Et si le Mal est partout, en nous et autour de nous (ce qui est confirmé par l'emploi de symboles religieux évoquant le Malin : la pomme, le bouc noir...), c'est donc que cette terre est l'enfer... Un enfer gris, froid, morne, terre déchue où l'homme est condamné à vivre avec le Mal en lui. Et condamné à mourir tué par ce qu'il a produit : le père écrasé par ces rondins de bois qu'il a passé tout le film à couper, la mère tuée par... (je ne vais pas le dire).
Car ce Mal, dont l'existence est si pratique pour expliquer ce que l'on ne comprend pas et pour excuser nos propres fautes en en faisant retomber la responsabilité sur Satan, non seulement nous l'engendrons nous-mêmes, mais nous le transmettons également. C'est cette insistance donnée à une religion rigoriste et froide qui a façonné ces enfants. Une religion qui dénie et dénigre toute vie, une religion qui, par son extrémisme, ne cherche et n'enfante que la mort. Et c'est là aussi un des sujets du films, celui de l'enfantement, de l'éducation donnée.
Après tout, c'est celle qui, dans toute une moitié du film, a été désignée comme une sorcière qui en devient une...


Au final, un film angoissant, intelligent et novateur, excellente surprise dans un genre qui a trop tendance à répéter des formules identiques à l'infini.

SanFelice
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le 15 déc. 2016

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SanFelice

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