Il était une fois le Pétrole
J'attendais énormément de ce film à la réputation de chef d’œuvre considéré par beaucoup comme le meilleur film de Paul Thomas Anderson, considéré à juste titre comme le plus grand cinéaste de sa génération. Pour ma part, "There Will Be Blood" ne m'a pas autant emporté que "Boogie Nights" et "Magnolia", formidables films-patchworks d'une force inouïe reposant sur une narration hors pair et un jeu collectif des acteurs au diapason, chacun étant au service de leurs personnages.
Ici l'histoire est au service d'un personnage central incarné avec maestria par Daniel Day-Lewis. Cependant, ce qui faisait le sel des films chorals d'Anderson est totalement absent de celui-ci. Notamment parce que le sujet ne s'y prête pas et qu'il s'agit d'une épopée d'un pionnier du pétrole à la portée historique et philosophique évidente. Bien que les seconds rôles jouent parfaitement, ils se font littéralement "bouffer" par le charisme de Daniel Day-Lewis qui écrase le film de son talent insolent. Même Paul Dano, pourtant saisissant en prédicateur exploitant la crédulité des croyants a des fins purement mercantiles, n'arrive pas à la cheville de l'ogre Day-Lewis. Sauf peut-être dans la traumatisante dernière scène du film.
L'acteur "mange" tout le film, certes. Mais c'est aussi à l'image de son personnage, cynique et cupide pionnier du pétrole, prêt à tout pour imposer sa mégalomanie grandissante et sa soif de pouvoir étendu. Anderson joue du décalage entre le côté falot de Paul Dano, qui s'avère pour finir le perdant d'un affrontement où l'idéologie matérialiste de la jouissance et du pouvoir par l'argent l'emporte sur le prosélytisme sectaire d' idéologies religieuses, basées sur l'illusion de la rédemption et de la guérison. Dans la deuxième partie du film, après le départ de H.W. j'ai parfois eu l'impression que le réalisateur perdait de vue cette opposition certes, passionnante, mais aux ficelles évidentes.
Deuxième partie, plus sombre, mais qui emporte moins l'adhésion, alternant entre scènes trop longues ou répétitives et ellipses mal venues. Comme si subitement le réalisateur était dépassé par son film, se perdait dans les méandres complexes de la psyché d'un malade mégalo, excessif et autodestructeur, appuyant le trait ici où là.
Pourtant, les 100 premières minutes de films sont réellement d'un très haut niveau. Je suis époustouflé par le talent de Paul Thomas Anderson. Sa réalisation ample et ses longs plans séquences nous immergent dans une fresque quasi-minérale ou tout se joue sur le rapport à la nature que l'on doit dompter à tout prix. Une sorte de western post-conquête de l'Ouest où plane l'inspiration de "Il était une fois dans l'Ouest" de Sergio Leone. La photo éclatante et lumineuse de Robert Elswit et la musique obsédante et dissonante de Jonny Greenwood participent également de cette forte impression.
La première partie mérite 9-10, la deuxième pas plus de 7 - mis à part l'affrontement final, réussit, mais un peu "grand guignol", à l'image de ces deux ennemis excessifs à la soif de pouvoir sans bornes.
Un film réussit, intéressant, passionnant, mais qui pêche peut-être par sa grande mégalomanie comme son personnage principal Daniel Plainview.