La Présentation
There Will Be Blood est le cinquième film de Paul Thomas Anderson sorti en 2007 adapté du roman Pétrole ! d'Upton Sinclair avec Daniel Day-Lewis et Paul Dano dans les rôles principaux.
Le film nous fait suivre Daniel Plainview, un pétrolier, qui après avoir reçu la visite de Paul Sunday, se décide à partir avec son fils, H.W, au rachat de l'ensemble des terrains du père de Paul et des terrains aux alentours fourmillant de pétrole !
Ça va saigner !
Paul Thomas Anderson avec There Will Be Blood nous offre un film d'études de personnages sans être choral contrairement à ses premiers films, pour rester dans une veine plus intimiste à l'instar de son précédent film : Punch Drunk-Love.
Notre protagoniste, Daniel Plainview est en quête d'une famille tout en étant un homme incroyablement avide qui se retrouvera face à des personnages qui l'affecteront, lui ressembleront et le contrasteront.
Le nom Daniel vient de l'hébreu : le jugement de dieu. Nom parfaitement choisi, quand on prend en compte le fait que Daniel se prend pour un dieu parmi les hommes, allant jusqu'à se prénommer la troisième révélation !
Daniel est d'ailleurs le premier personnage à parler au bout de 20 minutes de film muet, comme pour faire résonner les mots de la Psaume 19 : " Dieu parle, écoute la voix du Seigneur ".
Il se présente d'ailleurs ainsi : " S'ils vous disent que je suis un pétrolier, vous serrez d'accord. ", ce choix est délibéré pour contrôler l'esprit de son auditoire, les mots sont vite posés comme la source du pouvoir christique de Daniel.
On le montre brillamment lors du dialogue avec Tilford, au moment où il parle à Plainview de sa famille et que notre protagoniste le menace de lui couper la gorge ! Par ce biais, il lui prive de son pouvoir de persuasion en lui coupant la gorge, le réduisant au silence (en plus de montrer qu'il déteste qu'on lui donne des ordres).
Il montre également qu'il tient toujours sa parole plus tard dans le film, lorsqu'il revoit Tilford et qu'il lui dit : " je t'ai dit de ne pas me dire comment élever ma famille ! "
De ce fait, il hait Eli, car il se sert de la même tactique que Daniel !
On peut donc lui donner le titre d'antagoniste du film, mais ce ne serait pas juste étant donné que Plainview ne fait que l'utiliser pour son business ... il traite le jeune Sunday comme un gamin aussi bien physiquement que mentalement !
Eli est plus le reflet de Daniel, un autre prophète utilisant les mots pour séduire et manipuler, et cela énerve au plus au point le pétrolier, car il se rend compte de la mascarade, insultant Eli systématiquement pour ses dons qui ne sont que du vide, démontré définitivement au moment où Eli n'arrive pas à soigner avec sa " magie voodoo ", l'ouie d'H.W ... Daniel perdra donc patience, humiliera et menacera d'enterrer Eli, s'il l'énerve encore !
Chose qu'Eli fera lorsqu'un des membres de l'église de la troisième révélation, poussera Daniel à rejoindre la petite secte d'Eli, pour qu'il puisse lui faire avouer ses pêchés.
Il récitera au début ses tords sans sourciller, jusqu'à ce qu'Eli lui dit de répéter : " J'ai abandonné mon enfant ! ", là Daniel verra rouge, car autant il déteste s'expliquer, autant il déteste le faire à Eli rendant la chose doublement plus douloureuse !
C'est pour cela que le film termine sur leur affrontement, Plainview prendra sa vengeance sur Eli pour qu'une fois mort, Daniel dise : " j'ai terminé ! ", donnant sa permission au film de se terminer (en reprenant les derniers mots de Jésus), après que sa bataille christique avec Eli soit terminé, sa relation avec son fils adoptif est à un point de non-retour (qui est la raison pour laquelle Daniel s'est permis de tuer Eli, n'ayant plus rien à perdre) ...
En parlant de sa famille, Plainview malgré tout le mal qu'il a fait à son fils à la fin du film, et le fait qu'il l'exploite pour donner une certaine image de son entreprise, H.W sera la seule personne qui arrivera à faire pleurer et rire Daniel !
Plainview est un homme qui a beau détester la compagnie des autres, il rêve d'avoir une famille ! Il tient tellement à son fils que sa descente aux enfers ne commencera qu'au moment où H.W devient sourd !
H.W soutient de plus la métaphore religieuse du film, car H.W est amené à Daniel d'une conception immaculé. Le premier dialogue de Daniel commence au moment où H.W attrape sa moustache, comme si le vagabond avide devient un père qui cherche du pétrole pour assurer l'avenir de son fils !
Le fait de partager sa réussite le rend vivant, H.W est l'espoir de Daniel !
Une fois perdu, Daniel troque H.W avec Henry, qui prétend être son frère. Sauf qu'Henry pointe du doigt les pires travers de Daniel, car Henry est indigne de confiance, conduit par ses échecs et est prêt à tout pour avoir la moindre reconnaissance ...
Daniel retrouve une famille, pour la perdre encore plus vite que H.W, après qu'il apprend qu'Henry n'est qu'un simulacre, puis le tuera pour avoir osé le défier.
H.W reviendra du coup, par acte de culpabilité, plus que par affection pour son fils ... H.W le remarquera, mais cherchera tout de même à vouloir recevoir de l'affection de son père qui s'amusera quand ça lui fera du bien, puis dès qu'il a ce qu'il lui faut, repoussera son fils pour aller au boulot ... lors de leur confrontation finale, H.W profondément blessé après avoir canalisé sa frustration pendant tant de temps, finira par insulter son père adoptif en lui disant : " je remercie dieu de n'avoir rien de toi en moi ! ", choisissant de remercier dieu, car il sait pertinemment ce qu'en pense Daniel.
Au final, Daniel Plainview aura deux fils, un adoptif, H.W et un par alliance, Eli, qu'il finira tous deux, par désavouer ...
La Réalisation
There Will Be Blood est l'aboutissement en terme de réalisation de Paul Thomas Anderson.
Ces mouvements de caméra sont moins excessifs, pour mieux travailler le cadre en composant ses plans par des séries de plans-séquences, séquencés en trois cadres pour ne pas ennuyer son public tout en laissant ses acteurs s'exprimer.
Ces plans sont " simples " et directs, inspirés des films de John Huston comme le Trésor de la Sierra Madre, avec un découpage toujours aussi réfléchi. On peut prendre n'importe quelle scène, comme par exemple la scène de négociation entre Eli et Daniel à la ferme Sunday, pour le démontrer :
On commence par un plan long où Daniel et le père d'Eli parle du prix de la ferme. Daniel veut la racheter pour une bouchée de pain en omettant évidemment le pétrole, jusqu'au moment où Eli interrompt Daniel pour lui parler du pétrole. Au moment où Daniel se rend compte que le négociateur dans la famille sera Eli et pas son père, PTA décide de faire en sorte de filmer la scène en plan moyen où on peut à peine apercevoir la silhouette du père d'Eli (car malgré tout, Daniel considère Eli comme un gamin). Pour qu'ensuite, nous n'ayons qu'une série de plans rapprochés sur Daniel et Eli, car le père ne dit plus rien, tandis que le fils Sunday, essaye de faire monter le prix. La particularité de ses plans rapprochés est que dans cette scène, on voit la réaction des personnages et pas la manière dont ils délivrent leurs dialogues, car les deux ont comme arme les mots, de ce fait, il est essentiel de voir la réaction des mots de l'autre sur l'un !
Les travellings sont d'ailleurs imparfaits et le teint de l'image est sale contrairement à ce que l'on a l'habitude de voir aujourd'hui depuis l'avènement du numérique qui permet de monter le film et affiner l'image jusqu'à donner des résultats comme Blade Runner 2049, où le film en dehors du travail du cadre de Roger Deakins est chiant à voir, car trop propre, d'autant plus que Denis Villeneuve n'est pas un cinéaste porté sur le découpage ...
Les Acteurs
Après des performances remarquées dans les films de Scorsese, Daniel Day-Lewis démontre l'étendu de son talent dans ce film ! En effet, il est un acteur des plus sélectifs n'ayant tourné que cinq films entre 1998 et 2010, lui permettant à l'instar d'acteurs comme Robert De Niro, Christian Bale, Gary Oldman ou encore Adrien Brody d'utiliser " la méthode ", un principe d'interprétation naturaliste issu du théâtre qui vise à totalement s'imprégner du personnage !
Et Daniel Day-Lewis le fait magnifiquement, il est imposant à l'écran, charismatique à souhait et d'une grande justesse malgré la certaine démesure dont le personnage peut faire preuve, en bref, une performance digne des plus grands !
Face à lui malheureusement, Paul Dano a beaucoup de mal à marquer autant les esprits, pourtant, on ne peut pas dire qu'il joue mal, il n'est juste pas au niveau de la performance de Daniel Day-Lewis, alors qu'ils sont censés être des reflets de l'autre …
La Musique
La B.O est composée par Jonny Greenwood, guitariste du groupe Radiohead, signant leur première collaboration après avoir eu des B.O de Jon Brion et des époux Penn (Michael et Aime). Après avoir écouté sa B.O sur le documentaire Bodysong, Anderson a décidé d'appeler Greenwood pour qu'il puisse bénéficier de ses compositions orchestrales.
Greenwood prouve avec cet B.O l'importance des autres membres de Radiohead, qui ne se limite pas qu'à Thom Yorke (n'est-ce pas Maroon 5 ...) !
Le montage son est également exceptionnel !
Je ne le remarque que lorsque celui-ci est particulièrement mauvais ou bon comme dans des films comme ceux de Kubrick en particulier 2001, ceux de Ridley Scott et l'ensemble des 50 meilleurs films de mon top 111, pour dire à quel point il est bon !
La Conclusion
Pour conclure, There Will Be Blood est le pinacle du cinéma de Paul Thomas Anderson et l'un des meilleurs films des années 2000 voire même du XXIème siècle !