There will be blood, est le destin d’un homme, d’un pays, qui va alors comprendre les ficelles du métier pour s’adjuger une réussite viscérale, mettant de côté des valeurs morales qui semblent terriblement abstraites dans cette course forcenée vers le pouvoir. Ce qu’il y a de plus impressionnant dans cette œuvre aussi noire que cette dorée tant recherchée, c’est la maîtrise formelle et émotionnelle qui se dégage du film. There will be blood voit le parcours d’un pétrolier au début du XXème siècle, Daniel Plainview, qui a soif de pouvoir et d’argent, et vivant dans un monde où il n’y a pas de place pour les faibles et pour les opportunistes. Symbole totale de cette sécheresse émotionnelle et de ce manque de compassion, il ne voit son fils que comme un simple prolongateur de sa réussite, sachant qui plus est, que ce n’est pas vraiment son fils, biologiquement parlant. L’Homme va alors jusqu’à bafouer ses idéaux et gangrener sa propre foie. There will be blood voit alors naître un pays libre où tout est bon pour écraser ses concurrents où tout est bénéfique pour se jouer des autres en profitant de leurs conditions de vie. Derrière ces puits de pétroles, zones dangereuses tant pour l’âme que pour la vie, un duel va alors commencer entre un pétrolier avide de pouvoir et un évangéliste voulant prêcher la bonne parole, non sans arrières pensées. Daniel Day Lewis et Paul Dano livrent des prestations incroyables, notamment Paul Dano, avec son regard d’une perversion presque mystique. Ce pays, ces terres, n’appartiennent à personne, sauf à celui qui fera les pires sacrifices pour arriver à ces fins.
Mais derrière, cette parabole d’un capitalisme foisonnant et n’ayant aucune limite, There will be blood est le film d’un réalisateur, d’un artiste captant l’essence de son art comme jamais. Paul Thomas Anderson maîtrise son film de la première à la dernière seconde, rien n’est gratuit, aucun plan n’est présent pour faire joli ou pour boucher les trous. C’est un travail d’horlogerie formidable. Le rythme est lent mais hypnotique, les dialogues se font rares mais toujours limés comme une lame de rasoir avec ses hommes presque déshumanisés, les personnages sont peu nombreux mais dégageant tous une pulsion malsaine. Visuellement, l’environnement de ses grandes plaines desséchées semble infini tant la photographie est somptueuse avec ces plans séquences pénétrant au plus profond des abysses pétrolières. Le réalisateur filme les prémices de la soumission de l’homme face à l’argent et à sa condition de vie sans jamais tomber dans un discours moralisateur de pacotilles. There wille be blood est aussi rêche que le regard de Daniel Plainview, une œuvre magistrale et incandescente, au souffle brûlant, commençant silencieusement mais finissant par la folie et la force macabre des mots.