Le personnage principal, Cheyenne, sorte de Candide désabusé répétant sans cesse que le "monde tourne pas rond", être sclérosé, ayant un sérieux trouble arthrique, marchant et parlant moins vite que notre regretté Jean-Paul II, va flotter dans une Amérique joliment filmée à la recherche d'un néo nazi, traumatisme de son feu père. Le héros ressemble furieusement à Smith (Robert de son prénom, chanteur du groupe the Cure). Le film, lui, ressemble par bribes, à beaucoup d'autres.
Esquissant le portrait d'une Amérique perdue à la "Paris Texas, Arizona Dreams, ou encore Bagdad Cafe", (ne parlons pas d'une histoire vraie), This must be the place ouvre une centaine de pistes et de tonalités, comme si le réalisateur Paolo Sorrentino venait de découvrir l'Amérique à bord d'une esquif.
Problème : aucune de ces pistes n'est complètement creusée. La teneur dramatique du film, s'il y en a, est ventilée par le jeu parfois grotesque de Sean Penn, qui par sa voix mélancolique abuse de nos nerfs. Si le côté comique est plaisant (voir la scène de ping pong) il filtre toute émotion sensée émaner de scènes plus profondes.
l'Exemple parfait est un scène où le héros assiste à une séance de diapositives sur les camps de concentration : pas de musique, que des diapos projetées mécaniquement les unes après les autres sans l'ombre d'une émotion. On hésite alors à y déceler soit l'absurdité comique soit l'horreur froide de la Shoah. Comme si l'atrocité de cette guerre a force d'être ressassée avait finalement perdu de son aura.
Bref, "This must be the place" est un beau film, mais il veut trop nous le montrer. Nous avons la curieuse impression que tout est fait pour passer l'épreuve du festival de Sundance.