Thor ou la cohabitation réussie de l'épique et de la légèreté.
Thor, le film, c’est avant tout un casting alléchant ! Pourtant pas forcément celui attendu d’un blockbuster signé Marvel. Quand le nom de Kenneth Branagh fut annoncé à la réalisation, un premier temps d’incrédulité se vit vite substitué par celui d’un espoir improbable. Pourtant, le réalisateur n’en était pas à son premier film ! Peu connu du grand public français, il est peut-être l’un des plus grands comédiens britanniques sur scène. Il est aussi l’un des acteurs/réalisateurs les plus salués par la critique. On lui doit notamment de merveilleuses adaptations des oeuvres de Shakespeare. Son Hamlet a été largement récompensé, bien qu’il semble sur le papier peu attrayant : long, très long (plus de quatre heures) et sa mise en scène est plus théâtrale que cinématographique. Au-delà, des aspects régulièrement fantasmagoriques des pièces shakespeariennes, le fantastique et la science fiction ne lui sont pas des genres totalement étrangers. Assez rare dans ses propres réalisations, il a tout de même filmé une adaptation de Frankenstein. Dans cette dernière, on retrouve déjà un acteur « bankable » Robert de Niro et dans le rôle principal du film, Les amis de Peter, le rôle principal est confié au culte Stephen Fry, rien que ça ! Le film précédent Thor, Le Limier, s’il ne fut pas une grande réussite, regroupait lui-aussi un très beau casting avec dans les deux rôles principaux, Jude Law et Michael Caine. Mais c’est surtout en tant qu’acteur qu’il participe à de gros succès commerciaux, avec Good Morning England, mais surtout dans les véritables machines de guerre grand public qu’étaient à l’époque Wild Wild West ( Mais si souvenez-vous ! L’adaptation des mystères de l’ouest avec Will Smith !), puis Walkyrie (le film avec Tom Cruise en Nazi rebelle) et le plus Blockbuster de tous, Harry Potter et la chambre des secrets. Kenneth Branagh à la tête d’un film grand public n’est donc pas un choix si étonnant malgré une, plus ou moins justifiée, réputation élitiste. C’est pourtant cette réputation, qui a permis au film de rajouter à son casting, le grand Anthony Hopkins (Un gros cachet a du aider à finir de le convaincre !). Sa présence dans ce casting a aussi beaucoup surpris le grand public,, pourtant depuis les années 2000, l’acteur avait déjà participé à un certain nombre de films fantastiques. Dans des genres pour autant très différent, passant de la comédie fantastique avec Sexy Devil, au récent film d’épouvante Le rite, et participant aussi de manière très convaincante au film de loup-garou Wolfman. Une interprétation nous intéresse plus que tout les autres, celle d’Anthony Hopkins dans La légende de Beowulf, l’acteur y joue un rôle qui fait en partie écho à celui qu’il occupe dans Thor, celle d’un roi nordique à l’époque des héros et des monstres. Car Thor, ce n’est pas un comics comme les autres, adapté de la mythologie nordique, il a derrière lui une tradition millénaire. Déjà sur ce point, le héros de ce comics se différencie des supers-héros habituels, dont la création est totalement originale, des personnages typiquement nés de nos sociétés modernes, post seconde guerre mondiale. Pourtant ce qui distingue principalement Thor des autres, ce qui l’opposent même à la plapuart de ces collègues qui habitent l’univers Marvel, c’est son parcours à rebourd. Lui n’est pas un humain qui, par hasard, acquiert des supers-pouvoirs mais au contraire à l’origine un Dieu qui, déchu, devient par la suite humain et doit apprendre à faire avec sa nouvelle condition
Ce qui a marqué toute une génération élevée dans les années 90, et qui a en grande partie inspirée la culture et le mode des vies des générations suivantes, c’est la découverte de l’animation japonaise. Ces dessins animés d’une autre culture, s’inspiraient souvent de la notre, mais étaient bien moins chargés des inhibitions de nos sociétés occidentales. Pourtant, de nombreux autres dessins animés ponctuaient notre enfance et suffisaient à nous emporter. Ceux-là américains nous faisaient découvrir plus profondément le monde des comics avec des dessins-animés, plus sérieux que ceux auxquels nous étions habitués. On se souviendra des très bons dessins animés Batman, la série X-Men: The Animated Series. Depuis, la culture des comics s’est ancrée de manière indélébile dans cette culture geek, à travers des conventions, des films, des séries, des dessins-animés, des bd. Ces dernières années, nous plonge encore plus dans ces univers, bien connus aux états-unis, beaucoup plus superficiellement en France. Et le grand public découvre des héros charismatiques, peu connu jusque là, Iron Man et Thor en sont les plus parfaits emblèmes. Thor est un personnage d’autant plus significatif qu’il fait la jonction entre l’univers des comics, et un autre univers très à la mode dans la culture geek, celui de la fantasy. Un genre à l’origine littéraire, qui a souvent mis en avant une inspiration tirée des mythologies nordiques.
Alors avec un tel casting, un tel background, on comprend facilement l’attente et la curiosité autour de ce film, de cette intrigue qu’on attendait très shakespearienne, avec des psychologies travaillées et subtiles. Pourtant, rien de tout ça, ici mais de bonnes surprises malgré tout.
Pourquoi il faut le voir ?
Parce qu’il est drôle, vraiment très drôle ! On ne s’y attend pas forcément dans un film de Super-héros, ni dans un film réalisé par Kenneth Branagh, pourtant c’est vraiment LE point fort du film. Sa légèreté le rend à chaque instant sympathique, à travers un super-héros au début, certes arrogant mais qu’on ne peut s’empêcher d’apprécier grâce à sa franchise, sa simplicité et sa bonne humeur. Lors de la partie « terrestre » du film, le contraste entre le noble et divin Thor et la vie quotidienne du 21e siècle au Nouveau-Mexique, nous permet de savourer les répliques délicieusement surannées du Dieu. Un langage qui ne contraste pas seulement avec le notre, mais aussi avec le caractère-même du personnage, qui allie un caractère bourru, impulsif, grivois, bourré de testostérones à une noblesse de coeur. Qu’on soit fan ou non de ce type d’humour, on ne peut s’empêcher de sourire au comique de répétition présent dans le film. Un humour à l’image de son personnage : Simple, efficace et joyeux, sans jamais devenir vulgaire.
Parce que Chris Hemsworth et Anthony Hopkins ont la classe ! Les deux acteurs jouent parfaitement leur personnage, par ailleurs bien traités. La simplicité des caractères ne les affadit pas, ils restent imposants comme doivent l’être ces Dieux vikings, guerriers avant tout. Ils rayonnent de charisme, grâce notamment aux costumes d’Asgard. A l’image de tout le film, ils sont simples, efficaces, bien colorés. S’ils peuvent paraître kitch au premier abord, ils mettent si bien en avant les carrures impressionnantes de nos héros qu’ils ne sont jamais ridicules. Ces Asgardiens sont décidément beaux et Thor est bien le parfait représentant de cette race. Sa musculature impressionnante, son visage carré, lisse et propre, illuminé par sa crinière blonde nous donne le parfait représentant d’un Dieu viking. Si certains lui reprocheront son caractère justement trop lisse, ils oublieraient alors le caractère directe, efficace, sans fioriture du personnage-même.
Parce que le film est beau ! Pour être honnête, il est visuellement particulièrement impressionnant lors des scènes qui prennent place à Asgard, le Royaume des dieux. Mais aussi sur celui des géants de glace (les grands méchants !). Les couleurs bleutées du dernier, le mélange de bleu, de lumière et de rouge dans le premier, tout ceci participe à un délice visuel. On est alors pleinement dans le blockbuster qui va veut vous en foutre plein les mirettes. Tout y est grandiose et les scènes d’actions contre les géants de glace sont magnifique ! La première scène, où Thor et ses acolytes affrontent des géants nous épatent pour une raison multiple. Chaque personnage a son style propre de combat, et tous leurs mouvements sont parfaitement orchestrés. Dans une parfaite alchimie, on voit se croiser des combats de mousquetaires, de chevaliers, de ninjas, de barbares et de magiciens. Arthur, D’Artagnan, Legolas, Gimli, Jeanne d’Arc, Merlin, c’est comme si tous se retrouvaient à se battre ensemble. Et tous ces styles disparates sont merveilleusement retranscrits. Thor, bien entendu, reste le plus impressionnant, on l’imagine facilement d’un coup de marteau fissurer une planète.
Et puis, on retrouve tous ces petits plus ! Nathalie Portman qui est magnifique et pleine de charme. La petite romance qu’elle entretient avec notre héros, est à peine effleurée mais est mignonne. Grâce à elle, on nous suggère cette assimilation par Thor de l’état d’humain. Les discussions banales et quotidiennes qui se nouent entre les deux, sont comme un havre de paix parmi le monde brutal des dieux nordiques. Asgard nous présente aussi un monde où la politique règne aux seins des relations familiales minées par la relation au pouvoir. Un aspect intéressant qui complexifie l’ordre géopolitique de l’univers, où la terre n’est qu’une planète parmi tant d’autres sans réelle importance. Et puis sur Terre, il y a le petit duel à la fin du film, qui nous plonge dans une ambiance de Western sympathique. Enfin le personnage de Loki apporte un peu de complexité psychologique rafraîchissante.
Pourquoi ce film peut décevoir ?
Parce qu’on s’attendait à un film plus profond ! Si ce film a aussi bien développé ses qualités, c’est certes grâce au talent de Branagh mais aussi parce qu’il a sacrifié énormément de son potentiel. Bien souvent, le traitement psychologique du héros est LE point fort des bon films de supers-héros. La psychologie des personnages est ici totalement sacrifiée, les personnages ne connaissent que peu d’états d’âme. L’évolution du caractère de Thor, du Dieu arrogant et téméraire à celui de sage et tolérant, semble aussi très rapide, trop rapide comme surgie de nulle part. Le comics plongeait son héros de manière plus immersive dans la vie d’un humain timide et infirme, lui effaçant la mémoire et le confrontant réellement au quotidien terrestre. Donald Blake, l’alter ego de Thor disparaît tout simplement ici et rien ne le remplace. Les scènes Bonus du DVD révèle avec certitude, le sacrifice volontaire de la psychologie des personnage. Au début du film, une scène où apparaissait déjà et subtilement la complexité de Thor et de Loki a été supprimée, au profit d’une découverte au fil des rebondissements scénaristiques. Une deuxième scène supprimée avec Odin et sa femme révélait les états d’âmes des dirigeants confrontés à leur choix. Expliquer ces choix ? Non, décidément, Branagh ne voulait pas que ses personnages s’embarrassent de tels détails, le scénario devait être lui même explicite. Enfin une dernière scène mettant en avant la complicité naissante entre Thor et le Dr Selvig. Si cette scène n’est pas très dense tout comme la deuxième, elle aurait malgré tout été un élément de plus pour mieux comprendre le changement intérieur qui se produit chez notre héros divin.
Parce qu’il y a deux films en un ! Du monde d’Asgard et de la Terre semblent naître deux films différents. Asgard est le royaume de l’épopée, des intrigues politiques et familiales, c’est là-bas qu’on sent l’influence shakespearienne du réalisateur. La terre au contraire est le lieu de l’humour, de la romance et du quotidien. Bon point d’un coté, ce contraste a ses charmes, on se demande malgré tout, si le film ne décolle jamais réellement totalement car il n’a pas pris cet unique parti-pris qu’il aurait poussé jusqu’au bout.
Parce que le film manque un peu d’intensité ! Pour un film de près de deux heures, le scénario n’est pas très dense, il ne se passe pas énormément de choses. Si les scènes d’actions très concentrées sont vraiment bien faites, elles sont rares et entre ces scènes épiques, l’action disparaît totalement. Les amateurs de film d’action pur ne s’ennuieront-ils pas par moment ?
Conclusion :
En résumé, Thor est vraiment un « bon » film de super-héros, mais pas un « grand » film. Il s’adresse à un public très large : son humour et sa légèreté saura en faire un divertissement très agréable pour le plus grand nombre. Les scènes d’actions impressionnantes et les somptueux paysages sauront aussi ravir les yeux des amateurs de belles images, grâce à une réalisation épique et soignée. En somme, nous avons ici affaire à un film éclectique ! Les amateurs de films de super-héros doivent notamment le voir. Il ne rentrera peut-être jamais dans leur panthéon des meilleurs films de super-héros mais il les divertira à coup sûr et devrait les satisfaire par son originalité vis-à-vis des autres productions du genre. Les fans de Hulk trouveront qu’il manque de profondeur psychologique, les fans des X-men que l’action n’est pas assez présente, les fans des Batman que le scénario est léger. Mais en mettant de coté tout fanatisme et sectarisme, il reste très difficile de ne pas le trouver réussi.