Voilà, si la lecture du scénario ci-dessus a titillé votre curiosité, c’est que, comme moi, vous êtes un amateur de cinéma bis, de cinéma déviant, de cinéma qui arrive à vous surprendre à chacune de ses scènes par sa folie créatrice. Alors mes amis, je vous ai trouvé ici une petite pépite. Mis en scène par Chang Hsin-Yi, réalisateur du très fun Incredible Kung Fu Mission avec John Liu et Robert Tai, scénariste de tout un tas de bobines de Joseph Kuo ou Lee Tso-Nam, chorégraphié par Chiang Sheng, un des 5 Venoms de Chand Cheh, je vous présente Thrilling Bloody Sword, improbable bobine taïwanaise de 1981, wu xia pian psychotronique à souhait qui verse dans la pure fantasy, dans le sword and sorcery comme c’était devenu la mode au début des années 80 mais en version what the fuck. Une sorte de Blanche Neige et les Sept Nains à la sauce kung fu mais où toute l’équipe technique se serait enfilé une demi-douzaines de cachets d’ecstasy chaque jour de tournage. Un film parmi les plus fous qu’il m’ait été donné de voir. Et croyez-moi que j’en ai vu ! Aucun autre film ne ressemble à ça. On reste bouche bée tant le spectacle proposé à la fois inédit et complètement out of this world. Ça aurait pu être un dessin animé complètement barré, sauf que c’est bien ici un film live. C’est un défilé ininterrompu d’images inattendues. Attention néanmoins, votre santé mentale pourrait en prendre un coup.


Dès le début, une femme sur le point d’accoucher reçoit sur le ventre une sorte de boule de feu venue du ciel et accouche d’une sorte de cacahuète rouge géante pulsante (!?!) dont ils vont se débarrasser dans la rivière et on enchaine d’un coup sur les 7 nains de la forêt joyeuse qui marchent en dansant et chantant. L’un d’eux tire en l’air avec une flèche, et celle-ci retombe avec un poisson accroché. Oh bordel, c’est mal la drogue ! Et elle semble encore plus forte à Taïwan qu’ailleurs. C’est là que j’ai compris que ce film allait beaucoup, mais alors beaucoup me plaire. On va avoir droit à un monstre caoutchouteux avec du rouge à lèvres et un seul œil, un prince charmant, des matte painting souvent dégueulasses, un animatronic de poule avec 2 animations, des nains pas interprétés par des nains qui passent leur temps à se chamailler, des effets très spéciaux, un serpent de mer en carton-pâte à moult têtes qui crachent du feu, un lapin qui se transforme en fée, l’ours le plus mal fait du cinéma, un morgenstern tourbillonnant, une épée Fisher Price lumineuse, des mains gluantes sortant de marches d’escalier, un dentier mécanique de 2m de diamètre, des jambes ensanglantées autonomes, un démon au crâne en forme de cul, un repaire presque effrayant, un génie, le diable en personne, une simili Cléopâtre. Vous vous dites que ça fait beaucoup de choses pour un seul film ? Vous n’avez encore rien vu. Visuellement, Thrilling Bloody Sword est tout aussi fou. On sent qu’il n’y a pas d’argent mais pourtant ça ose absolument tout. Des filtres colorés en veux-tu en voilà, des fumigènes, des effets de transparence ou de flou maladroits, des décors kitchissimes, … On nage souvent en plein onirisme.


Les acteurs se donnent à fond, même lorsqu’on leur demande de se battre contre un dentier géant ou un monstre raté en latex. Le héros fait des mouvements à la Conan et s’habille comme Musclor, ce qui est d’autant plus inexplicable et étrange que le film est antérieur à ces deux personnages ? Il parait que quand on n’a pas d’argent, on a des idées. Et pour ce film, ils n’avaient pas du tout d’argent, imaginez toutes les idées qu’ils avaient ! Et puis ils avaient une ambition folle ! Et arriver à mettre en scène cette ambition avec si peu de moyens, ça relève de l’exploit. Si on devait le comparer à des films HK de la même époque et du même genre, il faudrait aller du côté des wu xia pian psychotronique de la première moitié des années 80 tels que Holy Flame of the Martial World, Buddha’s Palm ou Portrait in Crystal. Thrilling Bloody Sword fait pâle figure à côté d’eux en termes de mise en scène, de chorégraphies, de décors, mais en termes de folie, il va encore plus loin au point qu’on reste devant notre télé les yeux écarquillés en se demandant sans cesse « bordel de merde, qu’est-ce que je suis en train de regarder !?! ». Et puis il est sorti avant cette vague de films de la Shaw et fait donc quelque part office de précurseur. Comme nous sommes à Taïwan et que se foutent encore plus des copyrights qu’à Hong Kong, ceux qui tendront bien l’oreille reconnaitront les thèmes de Battlestar Galactica et Star Blazers au milieu de toute cette funk psychédélique qui va faire office de bande son. Du grand art je vous dis !


Il est absurde de qualifier un film tel que Thrilling Bloody Sword de bon ou mauvais. Ici, rien ne va de la première à la dernière seconde. Mais c’est tellement fou, tellement what the fuck, tellement généreux dans son délire que ça en devient absolument génial.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-thrilling-bloody-sword-de-chang-hsin-yi-1981/

cherycok
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le 22 août 2024

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