L’année 2020 a été une période tout aussi morose pour les animes et après avoir passé la moitié de l’année sans être véritablement emballé par la moindre série, je pensais être devenu trop blasé pour me laisser encore convaincre par la japanimation. Cependant, le dernier film de Thunderbolt Fantasy, qui, certes, est autant un anime qu’une adaptation d’une partie de D&D, est venu me rappeler que je peux encore ressentir la hype et que dernièrement le reste n’a simplement pas été à la hauteur.
Comme annoncé par les trailers, le long métrage intitulé Seiyû Genka raconte les origines de Rofû Yô, alias le barde (aka force rouge), plutôt que de continuer la trame principale des deux premières saisons. Ainsi, Thunderbolt Fantasy semble avoir adopté la formule consistant à créer pour chaque film des récits plus compartimentés qui retournent dans le temps et approfondissent certains personnages. J’accueille ce choix de structure à bras ouverts, d’autant plus dans ce cas-ci, puisque j’avais trouvé le barde sous-utilisé jusqu’à présent.
La destinée de Rofû Yô est intimement liée à sa voix. Frappée d’anathème dès son enfance, elle scelle le passé de l’aède dans une vocation tragique, aussi enchanteresse que maudite. Le déroulement des événements reste très classique et pourrait être issue de n’importe quel character sheet de RPG. Reste néanmoins que l’archétype du barde possède un charme inhérent ainsi qu’une sensibilité particulière qui m’ont toujours plu et qui, comme pour Orphée, rendent leurs prouesses épiques d’autant plus captivantes. C’est peut-être pour cette raison que j’ai trouvé les déboires et incertitudes de ce barde particulièrement intéressants à suivre.
En outre, le don de Rofû Yô donne lieu dans ce film à un accent particulier sur la musique. Comme pour la deuxième saison, le chant mystique et la luth traditionnelle de l’artiste se transforment, par le pouvoir de TM Revolution, en interprétations modernes, accompagnement de guitare électrique et choeur compris, pour déferler comme une trombe dans nos oreilles avec une exagération aussi déroutante qu’impétueuse. Embarrassant ou juste cool, à vous de décider mais cette orientation donne lieu sans conteste à un fantastique crescendo en milieu de film. Sans aucun doute la meilleure scène de ce Seiyû Genka, et même de l’année 2020 en ce qui me concerne. En revanche, il est un peu dommage que le répertoire soit aussi limité, avec trois chansons utilisées à de multiple reprises, et que cet aspect, pourtant central, n’ait pas été élargi un poil davantage.
Cela dit, j’aurai bien du mal à reprocher à l’équipe derrière Thunderbolt Fantasy un manque d’effort, quand l’abondance de ce dernier transpire de chaque séquence : à travers sa cinématographie, ses effets spéciaux, sans oublier la manipulation souvent inventive de ses marionnettes. L’une des meilleures parties du long-métrage se retrouve d’ailleurs lors des crédits et des passages making of qui sont un régal. Rappelons que cette franchise a été créé pour être une fenêtre ouverte sur tout un genre qu’est le wuxia à la sauce Pili, et de mon humble avis, il lui fait pleinement honneur.
Si la première partie du film est une exposition calme et méticuleuse du passé de Rofû Yô, la seconde moitié quant à elle est un déchaînement d’action qui ne s’arrête pour ainsi dire jamais. Bien que le rythme soit très effréné, cela n’ampute heureusement pas la narration qui clos son récit après avoir tout dit. Encore une fois, le scénario demeure très simple, et il faut avouer qu’il n’a ni l’élégance dramatique du premier film, ni la poigne de certains développements des deux premières saisons. Seiyû Genka recèle tout de même quelques bonnes surprises, notamment avec l’introduction d’un nouveau personnage principal (aka force bleu) ainsi que d’une princesse cruelle mais extrêmement divertissante. Plus encore, il nous permet également d’en apprendre un peu plus sur sur le passé du héros principal de la franchise, Shôfukan.
Ce nouvel opus de Thunderbolt Fantasy continue surtout d’être une expérience rafraichissante et originale, qui propose une histoire d’aventures sans prétentions trop altières ou maniérismes animesques crasses. Avec un troisième ajout à sa franchise aussi solide qu’à ses débuts, ce spectacle de marionnettes pas comme les autres s’affirme de plus en plus comme un incontournable que je recommande sans la moindre hésitation.