Personnellement, je ne considère plus tellement et depuis longtemps Lucas comme un réalisateur —au sens artistique du terme— mais plutôt comme l'inventeur du merchandising inextinguible blasphémant et dégradant l'intégrité de sa propre œuvre en chiant sur son public; image qu'il donne à percevoir depuis son entreprise folle de massacrer et épuiser jusqu'à la dernière goutte de crédibilité une franchise qui ne demandait qu'à vieillir en paix.
Et c'est un ex kid des 80's rêveur qui vous parle, un parmi les millions fascinés et effrayés par Vador, s'identifiant à Solo, et bavant devant des X-Wings hors de portée derrière les vitrines de magasins.
Imaginez la claque en voyant THX 1138.
Vous avez oublié qu'à la base ce mec barbu à triple menton milliardaire qui prend le monde pour une fontaine à flouze avait le feu sacré, la passion, ainsi que le talent qui déjà le démarquait des autres, et qui bientôt ferait la différence.
Dès le début du film, que l'on connaisse le pitch ou pas, un petit quelque chose titille l'attention du spectateur : le défilement des noms des opening credits se fait de haut en bas, suggère la notion de descente, de chute. Ça a l'air de rien comme ça, mais c'est pas con.
Pas le temps de vraiment profiter de cet aspect inhabituel, Lucas nous abreuve vite de sons, de paroles monocordes, d'images baveuses d'écrans monochromes ; et tout de suite on ne peut s'empêcher de repenser aux extraits de Buck Rogers en préambule ventant les mérites d'une civilisation futuriste chérissant le progrès de la science et de la mécanique, et de savourer son ironie.
Je ne vais pas m'étendre sur l'histoire dont les influences sont d'ailleurs plus qu'évidentes (Orwell, Huxley...) mais plutôt souligner la totale réussite de Lucas dans son traitement.
Au passage et de mon point de vue, il est absolument remarquable de voir à quel point ce projet d'étudiant de cinéma aux moyens dérisoires peut susciter l'adhésion et s'avérer être techniquement et surtout artistiquement crédible, quand une succession de massacres et de surenchère mercantile aux budgets faramineux imputables à un magna du produit dérivé hollywoodien peut donner naissance à un résultat si impersonnel, dénué de véritable intérêt, insultant, et indigeste (je fais bien sûr référence à la trilogie que je ne nommerai pas, ainsi qu'à une autre dont je tairai aussi le nom, aux multiples rééditions régulièrement souillées ).
THX fut tourné avec les moyens du bord, utilisant des décors réels, se servant de l'architecture froide des 70's pour donner corps à un monde vide. Parkings, couloirs et galeries de centre commerciaux aux heures de fermeture, complexes urbains typiques de l'époque servis avec leur lignes épurées et tranchantes.
Tout suggère l'aliénation dans l'uniformité, des vêtements aux "coupes de cheveux", du travail à la chaine en passant par la nourriture formatée, sans oublier la castration chimique gommant autant les émotions et la personnalité que toute manifestation de désir et d'identité sexuelle.
C'est Lego Land, quoi.
Le petit George épate par sa maitrise de l'univers dystopique, bien aidé par des acteurs impliqués (Pleasence lunaire, Duvall constipé), une réalisation inspirée, un travail d'ambiance palpable et très réussi. Schifrin au pupitre surprend aussi en se débarrassant de ses couleurs jazzy pour composer le froid et la distance. L'écriture pour sa part est aussi très intéressante, noyant les sujets et aliénant le spectateur avec un vocabulaire obscur, chiffré, codé, crypté, complètement opaque.
La frontière entre société totalitaire codifiée à l'extrême et psychose collective livrée à elle même est de ce fait aussi floue que l'ambiguïté de perception qu'elle dégage est pertinente et matière à réflexion.
Non content de savoir vendre des figurines, Lucas s'avère donc en fait capable de critiquer la société et ses travers consuméristes et déshumanisants.
C'est maîtrisé, surprenant pour qui avait oublié que le proprio du Skywalker Ranch faisait du cinéma à la base, loin d'être crétin et fait honneur aux pères du genre. Pour la version Director's Cut, on peut cependant regretter les inserts numériques, qui même s'ils ne sont pas aussi gênant et gratuits que ceux concernant les films auxquels vous pensez aussi, gâchent toutefois un peu de ce charme rétro qui participe justement à la réussite artistique du film.
A croire que Lucas n'a toujours pas compris que rajouter de l'image de synthèse à des films presque plus vieux que son public c'était comme vouloir faire chanter l'hologramme de John Lennon à un concert de Oasis.
Blasphème.