Sorti de nulle part et réalisé 16 ans après un premier opus, Tigre et Dragon 2 aura eu une genèse quelque peu compliquée. Ang Lee, réalisateur du premier film et approché d’entrée de jeu pour cette suite, décline gentiment l’offre de Netflix, tout comme Ronny Yu (The Bride with White Hair) qui s’écarte du projet très rapidement. C’est finalement Yuen Woo-Ping (Iron Monkey, True Legend) qui se colle au projet, assurant la réalisation donc, et les chorégraphies. Quelque part, on comprend que la naissance de ce projet eut été difficile. Outre le premier film qui se suffisait clairement à lui-même, les producteurs décident d’adapter le cinquième roman du cycle « Tigre et Dragon ». Pourquoi ? Parce que. Et il est vrai aussi que l’idée de sortir le film uniquement dans cinq salles aux States, de le diffuser en parallèle uniquement sur Netflix, de ne reprendre que Michelle Yeoh du cast original, et de le tourner entièrement en anglais alors que l’histoire de déroule en Chine antique, cela avait de quoi refroidir pas mal de monde sur le papier… Le résultat final n’est pas si catastrophique que ça –ouf, l’honneur est sauf -, mais dans l’ensemble, Tigre et Dragon 2 est un film des plus moyens…
En fait, le ressenti que j’ai eu lorsque le générique de fin est arrivé, c’est que Tigre et Dragon 2 n’était pas un film honnête. Le premier film ayant été très rentable en ayant rapporté plus de 213 millions de dollars pour un « faible » budget de 15 millions, on a vraiment l’impression que Netflix, qui veut se lancer dans la production de longs métrages afin de bousculer un peu l’industrie cinématographique hollywoodienne, s’est dit qu’il y avait là le moyen d’engranger à nouveau un max de pognon sur un nom relativement connu du grand public et ayant fait ses preuves par le passé. Comment ? Il n’y a jamais eu de suites ? Alors c’est parti les gars ! Bien entendu que le but d’un film est d’être rentable et au minimum de rentrer dans ses frais, mais tout de même là, ca ne respire pas l’honnêteté.
Tigre et Dragon premier du nom avait le mérite d’allier une certaine esthétique novatrice à l’époque pour les néophytes, des enjeux très ancrés dans la culture asiatique et un coté onirique qui donnait à l’ensemble un charme certain. Dans ce deuxième volet, on a plus l’impression d’être dans une sorte de western sur lequel serait venu se greffer un visuel asiatique duquel on aurait retiré tout élément ayant un semblant de coté poétique. L’ensemble est bien plus brut, ce qui n’est pas pour me déplaire dans l’absolu mais, si on prend le postulat de départ (faire une suite à Tigre et Dragon donc), c’est complètement à coté de la plaque. Autre choix très étrange, tourner le film entièrement dans la langue de Shakespeare. Je sais bien que les américains ont un sacré souci avec les versions originales mais tout de même, voir des acteurs asiatiques, ou d’origine asiatique, s’exprimer tant bien que mal en anglais, dans des décors typiquement chinois, ça sonne faux. Surtout que certains semblent répéter un texte qu’ils ne comprennent même pas et qu’ils se sont contentés d’apprendre par cœur. Je me suis même posé la question à un moment donné : n’aurait-il pas été mieux de voir le film en version française, histoire de ne pas m’infliger ce « crispage » de dents à plusieurs reprises ?
Autre point me faisant penser que ce film est malhonnête (promis, y’a des chouettes trucs tout de même, j’en parlerai après), c’est qu’aucun effort n’a été fait en ce qui concerne le scénario qui se rapproche sur bien des points de celui du premier film. On retrouve toujours l’épée Destinée qu’il va falloir protéger à tout prix des bandits voulant s’en emparer, la jeune héroïne qui va vouloir devenir la nouvelle disciple de Shu Lien, la pseudo romance entre les anciens maitres,… Bien entendu, on n’est pas dans du copier-coller non plus (et heureusement), certains éléments apportant un peu de fraicheur (la sorcière par exemple), mais tout de même, les éléments principaux sont similaires, l’originalité en prend pour la peine un sacré coup et on reste quelque peu… sceptique. A trop vouloir se rapprocher de son ainé, on en perd l’esprit originel. Pourquoi ne pas avoir confié l’écriture du scénario à un professionnel local ? La Chine et Hong-Kong en regorgent, et qui ont déjà fait leurs preuves !
Citons aussi les combats. Alors disons le tout de suite, ils sont bons, certains même très bons, là n’est pas le problème et on y reviendra au paragraphe suivant. Dans Tigre et Dragon premier du nom, les affrontements servaient en partie l’intrigue et étaient en général une sorte de point d’orgue à certaines tensions que généraient les relations entre certains personnages. Dans Tigre et Dragon 2, on a l’impression qu’ils ne sont là que pour donner la dose de fight nécessaire à tout wu xia pian qui se respecte et qu’ils ne sont pas toujours justifiés par le scénario.
Maintenant, parlons des points positifs du film. Parce que oui, il y en a, à commencer par les combats en eux-mêmes. Yuen Woo-Ping aux commandes des chorégraphies, il y avait tout de même peu de chance d’être déçus. Autant le dire tout de suite, ça oscille entre le bon et le très bon. Chorégraphiquement, on est pas mal dans le virevoltant, l’utilisation de câbles va bon train et la mise en scène des combats est très réussie, avec des plans larges, des plans aériens, et surtout un montage qui permet d’apprécier les enchainements de coups sans avoir à recourir à des artifices pour donner un minimum de punch à la chose. Donnie Yen est un artiste martial exceptionnel et il le prouve une fois de plus, balançant des tatanes bien maitrisées malgré un côté « invincible » comme c’est très souvent le cas dans ses films. Michelle Yeoh de son coté nous montre qu’elle n’a rien perdu de sa superbe. A noter, un Jason Scott Lee (Dragon L’Histoire de Bruce Lee, Soldier) méconnaissable, tout en surjeu, mais incarnant parfaitement son personnage de bandit sanguinaire champion des arts martiaux.
Visuellement aussi, le film est une réussite. Certes, on sent bien parfois le renfort d’images de synthèse histoire de pallier au manque de budget, et le mélange décors réels (le film est tourné en partie en Nouvelle Zélande) / décors studios n’est pas toujours complètement homogène, mais l’ensemble est très enchanteur et la reconstitution de la Chine antique fonctionne parfaitement. Couplé à une photo soignée et une bande originale qui n’a pas forcément à pâlir de celle de son ainé, Tigre et Dragon 2 tient parfaitement la route sur la forme.
Tigre et Dragon 2 est au final une déception. Tout n’est pas à jeter, loin de là, à commencer par les combats et le visuel général du film, mais il laisse cette impression un peu désagréable de « Mouais… » lorsque le générique de fin retentit. Un film en demi-teinte…
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