Critique / Cannes 2013 : Tip Top (par Cineshow.fr)
Serge Bozon, le réalisateur de La France ou de Mods (moyen-métrage) présentait son dernier film à la Quinzaine des Réalisateurs en mai dernier, mais également à Paris cinéma ce jeudi. Tip Top et son nom prétentieux tendant la perche aux jeux de mots que nous tairons, est une sorte de comédie méta convoquant théâtralisation, absurdité et intrigue policière plus que floue. Un cocktail détonant, relativement intéressant sur le papier, et qui plus est porté par un casting très premium composé entre autre d’Isabelle Huppert, François Damiens, Sandrine Kiberlain et Samy Naceri (point qui permis d’ailleurs d’attirer l’attention sur lui). Lors des interviews pour Apres La Seance, François Damiens nous avouait n’avoir rien compris au scénario, rien compris sur le tournage (tout comme ses camarades) et l’on est encore à ça de penser qu’il n’a toujours rien compris à l’issu du film, un peu comme nous en fait. Car à force de vouloir faire n’importe quoi, s’amuser du comique de répétition, s’en foutre royalement de la technique et oublier de diriger ses acteurs, le résultat ne pouvait légitimement pas côtoyer les cimes du cinéma. Tip Top est une sorte de doigt d’honneur aux spectateurs, un pur exercice de style et un délire de réalisateur aux idées ambitieuses, mais incapable de maîtriser quoi que ce soit, torchant une réalisation à peine digne d’un travail d’étudiant, mais surtout d’une condescendance exaspérante sous couvert d’une pseudo foutoir artificiel post nouvelle vague.
Serge Bozon et sa scénariste arguaient « Ce n’est pas parce qu’un film n’est pas linéaire qu’il n’est pas clair » ; « Ne me demandez pas d’expliquer mon scénario, je revendique son mystère ». On ne saurait être que trop d’accord avec eux à l’heure de l’uniformisation des productions et surtout d’une baisse de régime des plus dramatiques des comédies françaises (hors exceptions). Sauf qu’à force de vouloir se démarquer du lot en proposant une comédie absurde, l’équipe n’a semble-t-il pas compris que l’humour devait fonctionner en référentiel à un point de normalité, et pas en totale roue libre permettant n’importe quoi n’importe quand. Avec son intrigue policière dont Bozon se moque pas mal, laquelle permettant de découvrir les trois personnages clefs, un duo de fliquettes de la police des polices (Isabelle Huppert / Sandrine Kiberlain) et François Damiens en inspecteur du nord donc l’indic vient d’être retrouvé refroidi, Tip Top trouve le théâtre aux situations perpétuellement décalées, tout en multipliant les points de vue dans un ordre parfaitement chaotique. On passe de la vision du duo féminin clairement dérangé du bulbe, à celui de Damiens en passant par ceux des indics, du chef inspecteur louche à re-celui de Damiens. La question ici n’est d’ailleurs pas vraiment de résoudre l’enquête (elle ne le sera d’ailleurs pas) mais bien de jouer en continue des ruptures de ton en mettant en scènes des sortes de micro-scénettes. On pourrait s’en trouver réjouit de cette volonté d’intégrer à un fond à priori sérieux des excroissances flirtant par instant avec le splastick, avec l’humour noir belge, mais aussi avec tout à un tas de chose en fait. Mais la volonté appuyée du réalisateur à mettre en scène son film n’importe comment, sans doute au motif de la liberté artistique est trop frappante pour qu’on la tolère.
Faire du farfelu oui, mais celui-ci induit quand même une contrepartie. Dans l’idée, Dikkenek était tout aussi perché mais savamment écrit et interprété pour que le délire soit total. Ici, même si Huppert et Kiberlain écopent des meilleures scènes (la seconde dévoilant d’ailleurs un réel potentiel comique), l’artificialité du jeu, en fait du non-jeu, sort en permanence les spectateurs de l’attention qu’ils pouvaient avoir tant et si bien que cet OVNI devient extrêmement rapidement hermétique. Le montage donne la sensation que les acteurs ne jouaient pas ensemble, les amateurs côtoient les vrais comédiens donnant une sensation de film étudiant sans moyen, autant de choix volontaires renforçant l’aspect surréaliste du projet mais qui ne permettent jamais d’y trouver la moindre accroche ni la moindre empathie. Il n’y a que lors des digressions extrêmes insufflées par le personnage totalement fou d’Isabelle Huppert que Tip Top trouve une sorte de justesse dans l’absurde, justement parce qu’il pousse son concept dans certains retranchements tout en arrivant à créer la surprise. Mais lorsque celui-ci ressert en continu des gags éculés et pas drôles, l’effervescence de quelques minutes retombe bien vite.
Loin de nous de critiquer le projet pour sa volonté initiale de sortir du cadre des productions habituelles en proposant quelque chose de totalement surprenant. Mais la condescendance transpire tellement de tous les côtés que Tip Top ne peut être qu’insupportable, méprisant et méprisable. Lorsque Bozon s’essaye en plus à quelques pseudo-discours très malvenus sur la politique d’immigration et nos forces de l’ordre, on reste estomaqué par tant d’audace au regard de l’œuvre proposée. Celui qui cherchait l’originalité à tout prix quitte à s’en foutre royalement du public a semble-t-il réussi son coup. Maintenant, est-ce que le public sera assez maso pour s’infliger ça, pas certains…