Claire est mariée et a deux enfants. Elle est avocate comme sa meilleure amie Sophie et son mari est ingénieur à l'ONF (Office national des forêts). Tout va bien...


Mais un soir Thomas rentre tard et trouve Claire inconsciente baignant dans une mare de sang. Sur le container à l'extérieur de la maison, un sac poubelle contient un nouveau-né qui survit. Emmenée d'urgence à l'hôpital, Claire est immédiatement inculpée de tentative d'homicide sur enfant de moins de 15 ans. En effet, elle a accouché seule et assure ne pas savoir qu'elle était en train d'accoucher.


Le film traite donc de ce comportement inconscient et totalement incroyable qu'est le déni de grossesse.

Le déni de grossesse (pour les nuls) se produit lorsqu’une femme enceinte n’a pas conscience de l’être, que son corps ne lui dit pas et que personne ne le voit (partenaire, parents, amis, médecins... etc). L’utérus ne basculant pas, ces femmes n’ont pas de ventre et le bébé se développe verticalement. Aucun des symptômes habituels de la femme enceinte n’apparaît. Il peut s'agir d'un déni partiel ou complet. Dans ce dernier cas, il y a accouchement sans que la femme ne sache ce qui lui arrive. Si elle accouche seule, le bébé peut être mis en danger, l’accouchement deviendra alors un problème médico-légal et les femmes peuvent encourir jusqu’à la prison à perpétuité.

La réalisatrice s'inspire de cas concrets pour évoquer l'histoire de Claire et de son déni de grossesse total. On la voit quinze jours avant l'accouchement, très en forme et mince à la piscine. Dans un premier temps, le film s'attache à la sidération que provoque cette découverte. Plus encore que le déni de Claire, il y a celui de l'entourage qui n'a rien vu. C'est l'incompréhension totale.

Pour la justice Claire est coupable et donc incarcérée. Avec Sophie, elle prépare sa défense. Mais le juge d'instruction peu à peu compréhensif, la procureure très incrédule se trouvent devant un cas difficilement compréhensible. D'autant plus incompréhensible que la "coupable" assure ne s'être rendu compte à aucun moment qu'elle accouchait. Comment pourrait-elle prétendre accoucher alors qu'elle n'était pas enceinte ? Cela paraît inconcevable et pourtant il s'agit d'une réalité qui en France compte 304 dénis complets par an et concernent des femmes qui vivent une relation stable à 80 %, sont déjà mères à 50 % et ne sont pas forcément adolescentes, immatures, avec troubles cognitifs ou psychotiques.

Avec beaucoup de dignité et de pédagogie, Béatrice Pollet expose les faits, s'attache au personnage de la "mère" qui peu à peu en sortant de sa sidération première, se dévoile. Puis elle expose comme un thriller l'enquête, les recherches pour que la défense puisse s'appuyer sur des faits concrets et des explications les plus rationnelles possibles. C'est franchement passionnant.

Après le formidable Annie Colère qui traitait du combat des femmes pour l'accès à l'avortement, et le très déplaisant et incohérent Saint-Omer sur l'histoire d'un infanticide, ce film parle à nouveau des femmes, de leur corps mystérieux qui les (a) fait souvent être considérées comme des sorcières. La réalisatrice peut compter sur la solidité d'un beau casting efficace, cohérent et percutant jusque dans le moindre second rôle (mention spéciale à Pascal Demolon en juge d'instruction qui s'adoucit et finit par comprendre). Maud Wyler est tantôt opaque tantôt touchante, Géraldine Nakache solide et fiable et Grégoire Colin tient le beau rôle du mari doux et bienveillant.

Fort, utile et poignant.

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le 23 mars 2023

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