Tokyo Godfathers est une belle petite parenthèse dans la filmographie foisonnante de l’un des grands cinéastes d’animation des années 2000, le défunt Satoshi Kon. Loin des incursions mentales et paranoïaques de Perfect Blue, voire même des saillies psychédéliques et SF de Paprika, Tokyo Godfathers se veut être un véritable beau conte de Noël avec tout ce que cela comporte comme caractéristiques premières.
Dans un Tokyo enneigé par l’hiver, où l’abondance de la masse rend les petites gens encore plus invisibles, le long métrage suit le parcours de trois égarés, de trois sans abris, qui font la découverte d’un bébé abandonné. C’est de là que commence leur quête afin de retrouver la famille du bambin. Mais cette recherche ne se fera pas d’une simple traite. Jonché d’obstacles, de questionnement, de remise en question, ce bébé sera pour les trois protagonistes, un moyen de se réfugier dans leur passé et de faire le point sur des cicatrices qui ont du mal à s’effacer malgré le temps qui passe.
Malgré sa volonté habituelle à dépasser le simple cadre de la réalité pour épouser, comme peut le faire Brian de Palma ou David Lynch, les différents niveaux lectures du rêve et du réel, le cinéaste immisce toujours une graine d’humanité dans ces films. A l’instar de Millennium Actress, qui s’attendrissait sur la carrière d’une actrice en mettant en lisière la confusion entre le cinéma et la vie, Tokyo Godfathers contient cette verve humaniste qui fait aussi la grandeur d’âme de Satoshi Kon. Pourtant, le conte de Noël qu’est le film, ne signifie pas que le récit se cache derrière une profusion de guimauve et de bons sentiments que desserve la plupart des films dits de Noël.
Non, Tokyo Godfathers, avec sa portée christique, prend le pouls d’un récit initiatique et d’un road movie urbain et bringuebalant, qui dévoile un Tokyo fermé sur lui même, grisâtre, peu altruiste, et qui regorge d’une violence sourde. Les ruelles sont bondées, les magasins fourmillent de consommation, les rames de métro sont gorgées d’âmes en peine qui dissimulent des secrets, des cauchemars difficiles à avouer. Pour certains, Tokyo Godfathers est le film le moins ambitieux de son auteur, autant pour sa direction artistique naturaliste et peu chromatique que sa narration linéaire.
Pour autant, ce dernier est un petit bijou, une leçon de vie aussi drôle que déchirante, incarné par trois personnages dont la rage devient vite proportionnelle à l’empathie que l’on a pour eux au fil des minutes. Car l’union fait la force, et dans ces moments de débrouillardises, une famille se crée. Un peu comme Une Affaire de famille de Kore Eda, qui vient tout juste de sortir en salle, Satoshi Kon dessine les traits d’un Japon qui voit certains « évaporés » se mélanger et fonder une famille, rapprochés par l’amour ou la solidarité dans les moments difficiles. Et même si chacun éprouve des envies différentes, ou souhaitent se sortir de cette mauvaise passe, Tokyo Godfathers est l’expression de cette main tendue dont on a tous besoin au moins une fois dans notre vie. A consommer sans modération.
Article original sur LeMagduciné