Tout est affaire de fausses pistes. Dans ce petit thriller manipulateur, Dolan poursuit son exploration de la complexité du désir appliqué à la relation sociale.
Les premières séquences, plutôt poétiques, nous orientent sur la confrontation entre deux monde, comme le programme par ailleurs le titre : Tom, urbain apparent, homo, et le monde rural, dans lequel son statut n’existe tout simplement pas.
Violent, voire sadique, le frère du défunt à qui il vient rendre hommage va scénariser sa venue.
L’intrigue semble convenue : mon cul gay chez les rustiques, choc des cultures, tout ça.
Mais c’est sans compter sur l’esprit retors du jeune réalisateur qui prend soin d’ôter tout glamour à l’affaire. Le monde paysan, âpre et glauque comme celui dépeint dans Bullhead, n’est que boue, sang et feuilles de maïs acérées comme des lames.
Surtout, c’est le caractère même des personnages qui intrigue. Aucune véritable victime : tout le monde, à un moment où à un autre, semble devenir complice et prendre un malsain plaisir à jouer le jeu.
C’est bien le mélange des genres qui fait la force troublante de cet univers hétérogène où se mêle le vêlement au tango, les gifles aux caresses. Vaguement sado maso, il révèle une galerie de personnages insaisissables qu’une seule dynamique semble réunir : le désir.
Tant qu’il se cantonne à démêler cet écheveau inextricable des psychés malades, Dolan s’en donne à cœur joie et s’en sort très bien. L’idée de vouloir greffer sur cet univers un récit énigmatique sur le passé du frère et une affaire qui fait frémir les taiseux est un peu plus dispensable, et le film a un peu du mal à s’achever.
Il n’en demeure pas moins que l’atmosphère qui s’en dégage et la complexité des protagonistes, la direction d’acteur et la lumière crépusculaire confirment que Dolan est un réalisateur à suivre, notamment dès le mois prochain au festival de Cannes.
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